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traits d’invraisemblable audace qui sont en quelque sorte l’incident vulgaire des révolutions du midi, révélait avant tout le véritable homme d’état, l’esprit organisateur qui sait démêler des matériaux et des forces là où l’impuissante résignation des politiques routiniers ne voit que des impossibilités et des ruines. Ajoutons qu’en prenant l’initiative de la réorganisation du parti chartiste, M. da Costa Cabral lui apportait un renfort imprévu. L’entraînement des circonstances et cette espèce de tassement moral qui s’opère à la suite des grandes secousses révolutionnaires avaient jeté dans le septembrisme quelques bons esprits qui s’y trouvaient déjà fort mal à l’aise et ne demandaient pas mieux que d’entrer dans le milieu conservateur, à la condition de n’y pas entrer comme vaincus. De nombreuses affinités rattachaient cette fraction à M. da Costa Cabral, et elle ne devait plus avoir de scrupule à suivre un mouvement dont l’impulsion naissait en quelque sorte dans ses propres rangs. L’événement le prouva : Porto, cette Barcelone portugaise, qui passait pour la métropole du septembrisme, devint le foyer même de la réaction chartiste, qui se propagea sans luttes sur tous les points du territoire. Peu de temps après, le renouvellement des chambres donnait à M. da Costa Cabral, devenu le ministre dirigeant de la situation qu’il avait créée, une majorité compacte. Le Portugal ne demandait qu’à être gouverné.

Dans le court espace de trois ans, la nouvelle administration sut imprimer au pays, sur la voie du progrès, de la civilisation, du crédit, une impulsion telle que, si rien n’était venu la ralentir, le Portugal aurait aujourd’hui reconquis son ancien rang parmi les plus influentes nations de second ordre. Malheureusement il n’était pas au bout de ses épreuves. Au moment même où la réconciliation définitive du gouvernement et du saint-siège anéantissait les dernières espérances de l’esprit de sédition, M. da Costa Cabral devait voir se liguer pour sa ruine les influences même qui semblaient le plus intéressées à l’accomplissement de son œuvre. Contre le ministre plébéien s’éveilla la jalousie de quelques membres de cette aristocratie qui lui devait en quelque sorte son existence légale. Contre le restaurateur de la charte s’ameuta l’envieuse ambition des anciens ministres et des généraux de cette charte qu’ils avaient eu la honte de laisser déchirer. Le groupe officiel du septembrisme qui, depuis sa défaite, s’était lui-même rapproché du septembrisme des clubs, tendit les bras aux étranges alliés que le hasard lui donnait, et de ces élémens si hétérogènes se forma une ligue monstrueuse qui eut bientôt occupé toutes les issues de l’opinion. Les plus inconcevables calomnies furent répandues dans les masses contre le ministre réformateur et contre son frère, José Bernardo da Silva Cabral, homme de grand savoir et d’énergie et son plus actif auxiliaire dans la grande œuvre de la régénération