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l’occasion d’en abuser : aucune rancune politique ne venait donc neutraliser ici le sentiment si profondément religieux de la nation. Impuissant à détruire la triple croyance qu’il attaquait, le radicalisme ne pouvait tout au plus que la surexciter en la blessant, et c’est ce qui arriva. Quelques années après son apparition, une fraction importante du pays se rallia au drapeau qu’on lui présentait comme l’expression extrême du principe monarchique, aristocratique et religieux : Dom Miguel put consommer son usurpation absolutiste.

Dom Pedro expulsa, en 1833, le prétendant, et rétablit sa fameuse charte ; mais cette noble main, qui avait donné la liberté à deux peuples et abdiqué deux couronnes, se retirait à peine de son œuvre, que la charte s’écroula de nouveau. La surexcitation que laisse après elle toute grande lutte, la rivalité des chefs de l’armée, l’ambition de quelques conservateurs qui, sans sortir du milieu constitutionnel, visaient à s’y faire une plus large place, l’incertitude du parti chartiste, dont les élémens encore indécis se trouvaient tout à coup abandonnés à eux-mêmes, et enfin le manque de vigueur des généraux de ce parti, tout conspira pour assurer le triomphe du mouvement d’où sortit la non moins fameuse constitution de septembre.

En principe, c’était déjà bien loin du radicalisme. L’homme le plus important du septembrisme officiel, le général comte da Bomfim, ne s’était fait connaître jusque-là que par son dévouement à la cause de la reine, dont il avait été le dernier à défendre et l’un des premiers à relever le drapeau. Les deux autres généraux septembristes, MM. Sà da Bandeira et das Antas, revendiquaient des titres analogues. Le groupe dirigeant se complétait par MM. de Lavradio, da Taipa, qui n’auraient pas mieux demandé que de faire de la politique modérée à la condition d’en faire pour leur compte personnel, et par le marquis de Loulé, démocrate tout aussi peu sérieux, qui rêvait, dit-on, à ses momens perdus la régence du royaume, voire une dynastie Loulé. Néanmoins, bien qu’officiellement exclu de la nouvelle situation, le radicalisme y puisait en réalité un surcroît d’action malfaisante. La liberté d’association l’armait de son moyen d’agitation favori, et ses récentes affinités d’opposition avec les septembristes du pouvoir, qui eux-mêmes affectaient de n’être séparés que par une nuance des anciens conservateurs, l’autorisaient à s’abriter au besoin sous une apparente solidarité avec l’ensemble des intérêts libéraux : il empruntait ainsi à ces intérêts une partie de leur force et leur prêtait en échange sa propre déconsidération.

Cette confusion, en se prolongeant, aurait eu pour premier résultat de raviver le miguélisme. Quelques bandits des montagnes, défenseurs naturels de toutes les causes proscrites sans distinction de drapeau, quelques fidalgos indigens qui, pour ennoblir leur chute, l’associent