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Le succès avait justifié jusque-là bien d’autres coups de théâtre, mais c’était la première fois que cet arbitre capricieux des révolutions portugaises se montrait intelligent. Il suffit en effet de considérer dans quelle impasse les adversaires de la charte ou septembristes avaient jeté le pays, pour comprendre que celle-ci répondait aux nécessités les plus impérieuses de la situation.

Sous la désignation commune de septembristes se groupent deux élémens d’origine fort diverse : d’une part, les radicaux qui, en dépit des progrès de l’opinion, en sont encore au démocratisme inexpérimenté de l’an 1820 ; d’autre part, les partisans de la constitution de septembre 1838, qui ne dépassait pas le programme officiel des exaltés espagnols. Le premier de ces élémens n’a jamais joué dans la situation que le rôle de repoussoir. Comme on l’a souvent remarqué, l’histoire du Portugal a cela de particulier, qu’elle n’offre pas un seul exemple de ces conflits qui, dans tous les autres pays d’Europe, sans excepter le pays monarchique par excellence, l’Espagne, ont éclaté si fréquemment entre le pouvoir royal et la nation. Le radicalisme portugais ne saurait donc réveiller aucun écho sérieux dans le passé et encore moins dans le présent, car il toucherait ici aux plus énergiques susceptibilités des masses. Dans les transes perpétuelles où le mettent le sentiment de sa faiblesse extérieure, la convoitise de l’Angleterre et les rancunes de l’Espagne, qui ne s’est pas encore tout-à-fait déshabituée de le traiter in petto en province rebelle, le Portugal aime à chercher des yeux sur le trône la sauvegarde et le symbole vivant de sa nationalité. Les radicaux ont long-temps évité de prononcer le mot de république ; mais ce mot, le sentiment national le devinait. Parmi leurs coreligionnaires d’Espagne n’existait-il pas d’ailleurs un certain parti péninsulaire dont le nom seul supplée à leurs réticences ? C’en serait assez pour ameuter, le cas échéant, contre eux toutes les escopettes des Algarves et toutes les pioches de l’Alemtejo. Les deux autres emprunts du radicalisme portugais, les déclamations d’usage contre les aristocrates et les prêtres, n’étaient guère plus heureux. Tous les noms historiques de la noblesse, et ils sont nombreux, avaient naturellement gardé leur prestige pour ce peuple, qui, n’osant encore jeter un regard confiant vers l’avenir, cherchait volontiers dans ses vieilles gloires l’oubli de ses maux actuels. Dans les classes moyennes elles-mêmes, qu’un contact plus immédiat, une ligne de démarcation moins tranchée, exposent à certains froissemens, le respect aristocratique n’est pas moins intact qu’au sein des masses. La vieille noblesse portugaise exerce encore sur la bourgeoisie le patronage accepté et l’ascendant du vieux patriciat. Quant au clergé, — au clergé inférieur surtout, qui agit directement sur les masses, — son influence et sa considération étaient en Portugal d’autant plus réelles, qu’il n’avait jamais eu la fantaisie ni