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au XVIIIe siècle un interrogatoire sévère, on trouvera dans l’ouvrage de M. Danzel de précieux documens.

La plus grave question transmise au siècle nouveau par l’aventureuse époque dont nous sommes les héritiers, celle qui exige l’examen le plus réfléchi et la plus respectueuse sollicitude, ce sont, à coup sûr, les rapports du christianisme et de la société moderne. Or ce problème n’a nulle part plus d’intérêt qu’au-delà du Rhin ; nulle part la solution ne serait plus décisive. Aujourd’hui surtout que la critique des croyances chrétiennes, entreprise il y a un siècle par les plus grands théologiens de l’Allemagne, est venue aboutir, sous l’influence de Hegel, à de monstrueux résultats, tout ce qui se rattache à cette ruine effrayante du christianisme germanique, tout ce qui peut éclairer l’une des phases de cette sombre histoire mérite une attention sérieuse. Je recommande à ce titre une publication toute récente due aux soins de M. le docteur Klose, l’Autobiographie d’Edelmann[1].

Parmi les théologiens qui préparèrent la décomposition des vieilles croyances, il y en a un dont la vie a toujours été assez obscure et le rôle mal apprécié. Son nom est Edelmann. Il naquit à Weissenfels en 1698 et mourut en 1767. Au milieu des sectes qui divisaient le protestantisme, Edelmann, destiné par son père à l’étude et à l’enseignement de la théologie, fut amené bientôt à concevoir une haine profonde des idées chrétiennes. C’était un esprit vif, inquiet, impatient. Rebuté par le dogmatisme intolérant de l’orthodoxie luthérienne, il crut d’abord trouver chez les frères moraves un refuge aux tourmens de sa pensée, et le célèbre sectaire Zinzendorf, qui aspirait à une sorte de papauté mystique, espéra quelque temps l’attacher à ses travaux. Edelmann l’abandonna bien vite. Après d’autres essais du même genre, après un court engagement avec une société d’illuminés dont un aventurier était le chef, dégoûté de la théologie et des théologiens, il publia en 1741 deux ouvrages qui ne tendaient pas à moins qu’au renversement du christianisme. Le premier est intitulé la Divinité de la raison, et le second Moïse dévoilé. Ces deux livres présentent une singulière conformité avec le célèbre ouvrage de M. Strauss. Comme l’auteur de la Vie de Jésus, Edelmann affirme que la Bible et l’Évangile ne contiennent que mythes et symboles ; il affirme que Jésus-Christ, débarrassé de toutes les légendes qui ont défiguré sa vie, ne représente pas autre chose que la sagesse, la raison, l’éternelle raison qui éclaire tout homme venant en ce monde ; il conclut enfin, avec la théologie hégélienne, que l’humanité elle-même est le Christ. On sait que les jeunes hégéliens les plus avancés ont vivement reproché à M. Strauss d’avoir

  1. Edelmann’s Selbstbiographie (Autiobiographie d’Edelmann) publié par M. le docteur Klose ; 1 vol. Berlin, 1849.