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Un contemporain de Cardan, Federico Commandino d’Urbin, né en 1509, grand mathématicien et second Archimède[1], n’a pas dédaigné non plus de s’occuper des statuettes à ressorts. Son élève le plus habile et son compatriote, le géomètre poète Bernardino Baldi, adressa, vers 1575, un sonnet à sa mémoire dont voici le tercet final :

O come l’arte imitatrice ammiro,
Onde con modo inusitato e strano
Muovesi il legno, e l’uom ne pende immoto[2] !

Quelques critiques ont inféré de ces vers que Federico Commandino avait apporté quelques notables perfectionnemens aux marionnettes. Je dois confesser que, dans ce que j’ai parcouru de ses écrits, je n’ai rien trouvé qui eût clairement rapport aux statuettes mues par des fils. Ce qui a particulièrement occupé ou, si l’on veut, récréé ses veilles, c’est l’application de la mécanique à la construction des automates hydrauliques, dont on faisait de son temps un très fréquent et très ingénieux emploi, surtout en Italie et en Allemagne. Quelques années après, Baldi, devenu abbé de Guastalla, mentionne, dans la préface placée devant sa traduction des Automates de Héron[3], plusieurs de ces créations hydrauliques qui animaient le marbre et l’airain dans les jardins et les palais princiers, sortes de drames aquatiques dont Montaigne a mentionné quelques particularités dans le journal de son voyage en Italie, notamment à Tivoli, à Florence et à Augsbourg. De plus, Baldi parle dans cette préface, avec une singulière admiration, des simples et vraies marionnettes, qu’il définit avec une précision technique qui ne permet pas de douter qu’il ne les connût à merveille. Il affirme non-seulement qu’une grande adresse manuelle est nécessaire pour les faire mouvoir, et beaucoup d’esprit pour les faire parler, mais que la connaissance des mathématiques est indispensable à leur construction, et il allègue sur ce point le témoignage de Pappus et d’Athénée, témoignage que le vague de sa citation ne m’a pas permis de vérifier dans leurs œuvres. Il regrette de voir les jolies statuettes animées par le génie de la mécanique devenir de futiles jouets d’enfant ; il compare la décadence de cet art ingénieux à celle du grand art des AEsopus et des Roscius, tombé des hauteurs de

  1. C’est le titre que lui décerne Boldetti, Osservazioni sopra i cimiteri, etc., lib. II, cap. XIV, p. 407.
  2. Ces vers sont imprimés en tête de la traduction des Automata de Héron d’Alexandrie : De gli automati overo machine se moventi, libri due.
  3. Baldi avait composé cette traduction avec l’intention de la dédier à son maître Feder. Commandino ; mais la mort de ce géomètre, arrivée en 1575, l’en empêcha. La dédicace à Giacomo Contarini porte la date de 1589.