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ils prouvent que la dernière main n’avait pas été mise à ces immenses travaux, quand le pillage et l’incendie sont venus en interrompre le cours.


III

J’ai décrit les divers édifices qui composent l’admirable ensemble connu en Perse sous le nom de Takht-i-Djemchid. J’ai dit que, dans cette demeure des rois de Perse, les appartemens secrets se reconnaissaient encore à côté des salles d’apparat où ces princes étalaient la pompe de leur royauté fastueuse. Les fondateurs de cet immense palais n’avaient pas pensé seulement au séjour qu’ils auraient à y faire durant leur vie ; ils avaient encore songé à s’y préparer une sépulture digne de leur grandeur et en harmonie avec les lieux qu’ils avaient habités. Cette idée d’élever des monumens funéraires somptueux et durables est commune à presque tous les peuples ; mais en aucun pays elle n’a été réalisée dans des conditions semblables à celles des tombes royales de Persépolis. Généralement, les sépultures sont éloignées ou du moins placées en dehors de l’enceinte des lieux qu’habitaient les vivans. C’est ainsi que les pyramides ou les cavernes sépulcrales de l’Égypte furent élevées au milieu des plaines sablonneuses d’Alexandrie ou creusées dans les montagnes solitaires de la chaîne libyque. Les hypogées des princes achéménides, au contraire, faisaient en quelque sorte partie de leurs demeures et mêlaient la sévère ordonnance de leur ornementation funèbre à la richesse et à l’éclat de ces palais où la puissance des souverains de Perse avait déployé tant d’art et de luxe.

Deux tombes semblables avaient été disposées sur la pente de la montagne qui forme l’enceinte du palais à l’est. Elles étaient creusées dans la roche vive ; aucune pièce rapportée ne figurait dans leur façade ornée de lignes architecturales et de bas-reliefs : c’était le rocher même qui avait été taillé et avait fourni, sans déplacement aucun, tous les matériaux nécessaires à l’édification et à l’ornementation de ces monumens.

Selon l’usage antique et d’après la coutume particulière aux Perses, il est probable que, si ces sépulcres n’étaient pas précisément inaccessibles, ils n’étaient cependant pas mis d’une manière ostensible en communication avec les palais. Aucun escalier n’y conduisait, et quoiqu’on aperçût çà et là les traces d’un sentier qui avait été pratiqué dans le roc, il fallait, pour atteindre ces tombes, escalader les rochers au moyen de leurs aspérités et de leurs angles naturels. On arrivait ainsi à une plate-forme en partie formée par le rocher taillé, en partie disposée artificiellement sur cinq murs en retraite formant soubassement et construits avec des blocs équarris posés les uns sur les autres