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avaient accrédité dans le pays. On disait que nous trouvions tous les jours de l’or, de l’argent et des bijoux ; on allait même jusqu’à dire que nous avions découvert un vase d’or contenant seize battemans ou 24 kilogrammes d’or monnayé, et que nous en avions envoyé une partie au châh comme cadeau et redevance pour tout ce que nous espérions trouver encore. J’avais beau leur représenter l’absurdité de leurs propos, et leur démontrer que, de notre part, ces trouvailles n’étaient pas possibles, puisque c’étaient eux seuls qui faisaient les fouilles : ils ne voulaient pas en démordre. Les plus incrédules prétendaient, pour expliquer le fait, que nous faisions amener les excavations jusqu’à la profondeur à laquelle nous savions que gisait le trésor enfoui, et que la nuit nous venions l’y prendre. Il n’y avait rien à répliquer à des gens chez qui un préjugé semblable était tellement enraciné, qu’ils trouvaient toujours un moyen de tourner les objections ; mais c’était un jeu à nous faire assassiner, et peut-être n’est-ce pas à une autre cause qu’il faut attribuer deux attaques nocturnes qui furent tentées contre notre petit camp. J’ai dit que nous avions deux soldats d’un régiment en garnison à Chiraz, et que le gouverneur de cette ville nous avait fort obligeamment accordés pour nous garder la nuit. Ces deux hommes, qui étaient véritablement de très braves gens, faisaient leur service pendant que nous et nos domestiques nous dormions. Ils veillaient chacun à leur tour auprès d’un feu placé à côté de notre tente, et autour duquel ils avaient disposé une espèce de barricade avec des caisses et des morceaux de bois pour éviter une surprise. Ils cachaient aussi par ce moyen la clarté du feu, qui, dans l’obscurité, aurait pu servir de point de mire. Tout cela était assez bien entendu, et prouvait qu’ils n’étaient pas dans une sécurité complète. Quand ils procédaient le soir à leur installation nocturne, ils complétaient leurs moyens de défense par un stratagème ridicule, mais dans l’efficacité duquel ils avaient confiance. Ils mettaient des bonnets et des manteaux sur des piquets tout autour du feu pour faire croire à la présence de plusieurs caravuls ou factionnaires. Ce moyen ressemble à celui qu’on emploie chez nous pour faire peur aux moineaux. Nos soldats lui attribuaient la même vertu vis-à-vis des voleurs.

Malgré ces précautions, deux fois pendant notre séjour au milieu de ces ruines, notre sommeil fut troublé par des alertes. Des maraudeurs avaient paru dans l’ombre et riposté au coup de fusil tiré par notre sentinelle. En un instant, tout le monde était sur pied ; mais où aller ? de quel côté poursuivre les voleurs ? La montagne leur offrait un refuge où l’on ne pouvait les atteindre dans l’ombre. Nous ne vîmes rien. Presque nus, glacés, il fallut rentrer sous nos tentes sans avoir rien aperçu. Les maraudeurs avaient compté sur le sommeil de tous nos gens ; ils espéraient se glisser jusqu’à nos bagages et nous dérober ce qu’ils trouveraient à portée de leur bras ; ils n’étaient pas décidés à