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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE EN PERSE.

rectiligne, elle est concave et surplombe les chambranles. Ceux-ci, comme la corniche qui les surmonte, offrent dans leurs profils une invariable similitude : les portes et les fenêtres fermaient au moyen de deux vantaux, c’est ce qui est prouvé par des refouillemens pratiqués à la partie supérieure des embrasures, et dans lesquels il est évident que s’engageaient les gonds des fermetures.

Il est facile de reconnaître, par les piédroits restés debout, qu’il y avait dans ce monument douze portes, dont plusieurs sont intactes ; toutes, sans exception, sont ornées de sculptures sur les faces internes de leurs embrasures ; quelques-unes méritent d’être décrites. Je citerai, entre autres, la principale porte qui du portique donne accès dans la salle à colonnes ; cette porte a sur chaque côté de son embrasure un bas-relief représentant un personnage qui a une canne dans une main, et dans l’autre une espèce de bouquet ou de fleur de lotus. Au parasol et au chasse-mouches que tiennent au-dessus de la tête de ce personnage deux serviteurs de taille plus petite, on doit reconnaître en lui le roi. Au fond de la salle, deux autres portes sont ornées de sculptures représentant le même sujet, qu’on trouve d’ailleurs fort souvent répété dans les monumens de Persépolis.

À ces représentations de la majesté royale viennent se mêler des souvenirs de la mythologie persane. Le mythéisme de l’idolâtrie antique a, comme le culte de la souveraineté temporelle du monarque, une très grande place dans les sujets représentés à Persépolis. Les symboles obscurs et fantastiques de la religion des Perses, empruntés au monde terrestre ou inventés par une imagination bizarre, sont là partout à côté de la figure du roi. Ainsi, sur plusieurs portes de ce palais, est sculpté un personnage combattant et éventrant d’un coup de poignard un animal qui se défend sous sa main vigoureuse. Quel est ce personnage ? Est-il dieu, roi ou simple mortel ? Rien ne le caractérise assez pour qu’on reconnaisse son essence ; quelle qu’elle soit, il est impossible de méconnaître que cette sculpture symbolique a un sens religieux : l’animal immolé est tour à tour, un lion, un taureau, un griffon ou un monstre qui a une tête horrible, avec de grandes oreilles et une corne sur le front ; les pattes de devant de cet animal chimérique sont semblables à celles du lion, tandis que celles de derrière tiennent des serres de l’aigle ; son corps est emplumé, il a de grandes ailes, et sa croupe se termine par une queue de scorpion.

Des voyageurs, notamment l’Anglais Ker-Porter, se sont singulièrement mépris sur cette queue. Ker-Porter l’a représentée dans son Atlas comme une continuation de la colonne vertébrale, c’est là sans contredit une idée fort ridicule ; il faut cependant être juste, et ne pas trop s’étonner qu’en face de sculptures aussi bizarres, on ait pu admettre quelquefois certaines formes, certaines idées que répudie le bon sens.