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de confiance, il ne put s’empêcher de s’écrier en promenant autour de lui des regards satisfaits : — Oh ! mes garçons, que nous sommes bien ici !

Quelques jours se passèrent sans que rien vînt confirmer la nouvelle apportée par les Mexicains ; puis tout à coup, un matin, les habitans du village, qui dormaient d’un sommeil paisible, furent éveillés par une bruyante fusillade. En un instant, la milice se réunit bien armée sous la conduite de ses officiers et prête à recevoir l’ennemi. L’alarme se répandit bientôt dans tout le canton ; on courait avertir ses voisins d’une maison à l’autre. Chacun cherchait à fuir ; ceux-ci disaient qu’il fallait se retirer dans les hautes terres, ceux-là proposaient de descendre vers le village pour prêter main-forte aux habitans menacés. Chaque planteur craignait un mouvement parmi ses noirs, chaque petit blanc voyait déjà ses maïs arrachés et ses plants de tabac foulés aux pieds ; les malades, et il y en avait un grand nombre, demandaient avec des cris et des larmes qu’en ne les abandonnât pas à la fureur des sauvages. La cause de cette panique était l’arrivée d’une horde de peaux rouges qui venait traiter de la vente de ses terres avec l’espèce de diplomate qu’on appelait l’agent des Indiens. Cet agent avait pour mission de distribuer chaque année aux chefs des tribus voisines les présens un peu mesquins que leur envoyait le gouvernement de Washington. Ce n’était point la pourpre que réclamaient ces barbares refoulés sur tous les points, mais de pauvres couvertures de laine et quelques colifichets. Cette fois il s’agissait de préparer l’acte de cession de leur territoire, et, dans cette occasion solennelle, ils se présentaient en nombre, barbouillés de la façon la plus extravagante. Par les coups de fusil qui avaient alarmé la population, ils voulaient donner une idée de leur puissance. Cette fantasia, accompagnée de hurlemens féroces qu’exécutaient une centaine de guerriers couverts de peaux de bêtes et ornés de plumes flottantes, ressemblait à une attaque mieux qu’au prologue d’un traité de paix. Quiconque a vu le spectacle d’une de ces marches triomphantes et grotesques, où les haches, les couteaux et les lances brillent au soleil, où les chevelures des vaincus servent de trophées aux vainqueurs, comprendra sans peine qu’un Indien armé en guerre et sortant de la forêt est un croquemitaine capable d’effrayer non-seulement des enfans, mais encore des hommes faits.

À tout hasard, les miliciens restèrent sous les armes, et personne ne se mit en campagne pour aller, à travers le pays, rassurer les colons épouvantés. À la première alerte, le vieux Faustin, dont un nouveau frisson de fièvre altérait le courage avait pris la fuite et contraint ses deux fils de le suivre. Ceux-ci, voyant leur père malade et tourmenté par une vague terreur, obéirent à ses injonctions, sans même se demander si ses craintes étaient fondées. Ils lui jetèrent sur le dos