Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aide aux déductions de l’auteur, n’auraient point nui à l’effet général de l’ouvrage. Peut-être aussi pourrait-on également reprocher à Mme de Challié de sacrifier un peu la précision à la symétrie : la division trinaire, qui se reproduit dans les trois chapitres dont se compose chacune des trois parties de son livre, semble parfois un peu forcée ; elle amène des répétitions d’idées et par suite un peu de confusion.

Mais, cette part faite à la critique, on ne saurait trop louer les qualités qui forment le caractère particulier de l’Essai sur la liberté, et qui le recommandent à tous les esprits élevés et à tous les cœurs généreux. Dans un temps où rien n’est plus commun que de voir sacrifier la liberté et la moralité individuelle à des chimères de bonheur social, où l’homme serait en quelque sorte dispensé de s’occuper de sa propre destinée, dispensé de tout effort sur lui-même, de toute action sur ses semblables, dispensé de toute prévoyance, de tout dévouement, de toute vertu, dispensé, en un mot, de tout ce qui le distingue de l’animal ; dans un temps où ces rêves de mécanique sociale ont envahi même des intelligences qui ne sont point vulgaires, on ne saurait méconnaître l’utilité d’un livre écrit avec talent dans un sens contraire, d’un livre dont chaque page est un plaidoyer éloquent en faveur de la liberté, de la moralité, de l’activité individuelle, fortifiées et réglées à la fois par l’esprit chrétien.

Et quand on apprend que ce livre, consacré à l’exposition des plus hautes, des plus profondes vérités de métaphysique et de morale, est l’ouvre d’une toute jeune femme, qui donne à de telles méditations le peu de temps que lui laisse une vie modestement remplie par les devoirs de la famille, on se dit qu’il ne faut pas désespérer de cette société si malade et parfois si découragée. Elle renferme encore bon nombre d’ames fortes et pures qui, cachées dans l’obscurité du foyer domestique, maintiennent au sein des familles le sentiment et l’amour du bien, et font contre-poids aux passions désordonnées qui s’agitent au dehors. L’homme, avec toutes ses prétentions à l’énergie morale, est souvent bien faible ; son cœur est souvent tiraillé en tous sens par des impulsions contraires, et son esprit troublé par mille incertitudes. La femme demande à Dieu la force et la lumière ; elle trouve dans sa foi une perspicacité et une résolution que toute la science du monde ne donne pas. De tous temps, dans toutes les crises de notre histoire, les femmes chrétiennes ont exercé une puissante influence sur la société française ; cette influence, elles l’exerceront encore, c’est encore par elles que le matérialisme qui nous menace sera vaincu et que sera réalisée cette parole de saint Paul : Nolite spiritum extinguere, ne laissez pas éteindre le souffle de l’esprit.


L. DE L.


HISTOIRE DE L’ADMINISTRATION DE LA POLICE DE PARIS, DEPUIS PHILIPPE-AUGUSTE JUSQU’EN 1789, par M. Frégier[1]. — Un des défauts de cet ouvrage est dans son titre, qui ne donne pas une idée exacte du plan suivi par l’auteur ; ce n’est pas en effet précisément l’histoire de l’administration spéciale de la police qu’a faite M. Frégier, mais bien un tableau de Paris, sujet traité avant lui plus au long par Dulaure et par d’autres écrivains, après lesquels il a dû nécessairement glaner. Si M. Frégier, se renfermant dans de justes limites et élaguant

  1. 2 vol. Paris, Guillaumin et Comp. 1850.