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et pour la faire saisir à d’autres. Entre autres portions de son ouvrage, ses études sur la transition du roman au gothique ont même une haute valeur philosophique et ethnologique. Ajoutons d’ailleurs que l’Histoire de l’Architecture n’est ni trop abstraite ni trop chargée de détails, et qu’elle cite des faits assez peu connus. Si ce n’est pas M. Freeman qui a signalé le premier l’existence d’un style romano-irlandais et d’un roman anglo-saxon, il a au moins jeté les bases d’une classification qui embrasse fort complètement les périodes romane et gothique, et qui, à l’égard de la première surtout, distingue et caractérise plus de variétés que n’en indiquaient les écrivains antérieurs.

J. M.


- LA MONNAIE, tel est le titre d’un volume de M. Michel Chevalier, qui vient de paraître[1]. C’est une œuvre d’économie politique qui, toute scientifique qu’elle est, se rattache par un double lien aux événemens contemporains. Premièrement, l’auteur, embrassant le sujet dans toute son étendue, y a compris l’étude et l’histoire générale des signes de crédit par lesquels la monnaie proprement dite, c’est-à-dire les pièces d’or ou d’argent, se représentent et se remplacent, tels que le billet de banque, la lettre de change, ce qui l’a conduit aussi à aborder la question du papier-monnaie et celle du crédit foncier. La question du papier-monnaie a été suspendue sur nos têtes pendant quelque temps depuis la révolution de février, et il serait téméraire de dire qu’elle soit écartée encore. Le papier-monnaie est un des plus grands dangers qu’aient courus la fortune publique et les fortunes privées depuis 1848, et ce danger subsiste. M. Michel Chevalier, en discutant, avec les lumières de la théorie et les renseignemens de la pratique, l’utilité des différens titres de crédit et les conditions auxquelles ils doivent satisfaire, a réfuté un à un les sophismes sur lesquels on a essayé d’en justifier l’abus, et il a particulièrement fait justice du papier-monnaie. L’histoire de l’Angleterre de 1797 à 1819, période pendant laquelle le billet de banque y eut un cours forcé, lui a fourni des données précieuses. De même nos assignats, le système de Law et les bons hypothécaires recommandés par un des comités de l’assemblée constituante de 1848.

Outre le lien qu’a ce traité de la Monnaie avec les événemens contemporains par la discussion sur le papier-monnaie et sur les titres de crédit, il offre à ce moment-ci un véritable attrait de circonstance par l’étude qu’il présente relativement aux mines d’or de la Russie et de la Californie. La découverte de ces deux groupes immenses d’alluvions aurifères est un des faits les plus intéressans de notre époque. Les calculs préparés avec beaucoup de soin par M. Michel Chevalier établissent que le marché général du monde ne recevait, au commencement du XIXe siècle, que 24,000 kilogrammes d’or fin. En 1847, sans la Californie, c’était déjà triplé, principalement par le fait de la Russie boréale. En 1849, grace à la Californie, l’extraction a été d’au moins 125,000 kilogrammes : c’est donc quintuplé depuis quarante ans. Où cette progression rapide s’arrêtera-t-elle ? Quelle est la fécondité possible de la Russie boréale ? quelle est celle de la Californie, qui paraît surpasser de beaucoup, sous ce rapport, les provinces aurifères de l’empire russe ? Quels sont les frais d’extraction

  1. Fort in-8o, chez Capelle, rue des Grés Sorbonne, 10.