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REVUE. — CHRONIQUE.

déclaration de pauvreté et d’indigence, dit-il, à moins de quelque indication par trop douteuse. » — « L’étranger voyageur qui déclare être dans le besoin doit être cru sur parole. » Telle est la prédisposition bienveillante du législateur. À chaque pas se manifeste un esprit de charité rival de celui du christianisme, comme lui dicté par la religion, et bien autrement senti que celui dont nos monumens portent la vaine formule ; et, quand on voit cette bienfaisante sollicitude, cette douceur de mœurs et cette sérénité placide qui fait le fonds du caractère musulman, quand on considère que ces peuples sont exempts de la plupart des passions violentes, filles de la révolte de l’esprit, qui troublent constamment notre société, on se demande si jusqu’à un certain point nous n’aurions pas besoin, nous les civilisateurs, d’aller à l’école de ces prétendus barbares. Ils sont immobiles dans leur croyance, nous nous agitons dans notre doute ; lequel vaut le mieux ? Qu’on ne s’y trompe pas : le musulman, tout en comprenant son infériorité sur bien des points, n’en sait pas moins bien remarquer le vice radical de ce progrès auquel son instinct religieux répugne. « Vous êtes tels que nous devrions être, disait un scheikh du Kaire à M. Perron, mais il vous manque la foi. »

À la longue, cela est certain, les musulmans finiront par se laisser gagner, car nous leur apportons des avantages matériels trop manifestes pour qu’ils les repoussent indéfiniment. Déjà ils aiment et ils apprécient notre justice, la leur ayant bien dévié dans la pratique des sains principes sur lesquels elle avait été fondée. Habitués qu’ils étaient à la vénalité de leurs kadis, ils ne comprenaient pas d’abord que le droit pût se faire reconnaître sans bourse délier : aujourd’hui ils savent bien faire la différence. Les applications de la science au travail et à l’industrie, en leur présentant des profits palpables, ne sauraient non plus les trouver long-temps rebelles. En retour, nous, leurs maîtres par la force et la science, par le sabre et par la plume, comme ils disent, n’aurions-nous rien à leur demander ? Ne pourrions-nous leur emprunter ce qui nous manque, suivant l’expression profonde du scheikh égyptien, non la croyance au dogme, mais le sens moral, l’esprit d’ordre et de subordination, faute duquel le monde chrétien court aujourd’hui à une décadence plus rapide et plus complète que ne l’a été celle du monde musulman ?

L. G.


CHRONICLES AND CHARACTERS OF THE STOCK EXCHANGE, by John Francis, author of the History of the Bank of England, its times and traditions[1]. — L’histoire de la Bourse est, par un très grand côté, l’histoire nationale elle-même dans un pays où la dette publique a pris les proportions qu’elle atteint depuis si long-temps en Angleterre. Le livre de M. John Francis, qui n’affecte pas cependant beaucoup de profondeur, se trouve ainsi avoir plus de portée qu’il ne paraîtrait peut-être au premier abord. Il met en une lumière assez vive l’un des traits les plus originaux, l’une des circonstances les plus caractéristiques de la fortune extraordinaire du peuple anglais. On voit de reste que M. Francis n’apporte dans son travail ni prétention ni système ; il ne court pas du tout

  1. London, 1849. Willoughby and Co, Warwick-Lane, 22.