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des procès-verbaux contemporains[1]. La lithographie ne restait pas en arrière de l’imprimerie, et le portrait anticipé du futur prince des Asturies circulait déjà de main en main. Nous disons prince, car le peuple espagnol y tenait, et de fait on ne peut nier que la naissance d’un infant n’eût été pour l’avenir de la Péninsule une double garantie de sécurité. Prince ou princesse d’ailleurs, l’enfant qu’attendait la sollicitude monarchique du pays paraissait devoir venir au monde sous de meilleurs auspices que la jeune reine sa mère, car, il n’y a pas vingt ans, la blanche bannière qui se déploie sur le château royal à la naissance d’une infante[2] devenait, par une contradiction symbolique, le drapeau d’une sanglante guerre de succession qui n’a été résolue qu’à Vergara. Ce qui frappait surtout dans les manifestations dont les journaux espagnols ne nous apportaient qu’un écho affaibli, c’était l’accent de spontanéité, de conviction, d’enthousiasme réel et sincère qui s’y révélait, même à distance ; mais le vœu populaire n’a pas été exaucé : on a appris à peu près en même temps à Madrid la naissance et la mort du jeune prince. Un pareil événement ne peut manquer sans doute de raviver les espérances des montémolinistes ; mais nous ne voyons pas qu’il leur donne la moindre autorité. Aujourd’hui comme devant, la question de succession reste résolue.


Cuba et la Propagande annexioniste

L’avortement du coup de main tenté naguère par la bande Narcisco Lopez contre Cuba a été aussi complet que possible ; mais, pour qui connaît l’inexorable convoitise des Anglo-Américains et leur dédain de certains scrupules, pour qui tient compte surtout de la latitude que donnent à ces tendances de l’esprit national la faiblesse et l’instabilité constitutives du gouvernement de Washington, la complicité tacite des agens de celui-ci, qui, en dépit d’ordres formels, ont laissé l’expédition s’organiser en plein jour, la complicité avouée des autorités locales, dont quelques-unes, et de ce nombre le gouverneur même de l’état de Mississipi, ont officiellement patroné Lopez, il est bien évident que l’essai de piraterie auquel vient d’échapper la principale des Antilles se reproduira tôt ou tard. Il n’est donc pas sans intérêt de rechercher sur quels élémens de résistance l’Espagne, le cas échéant, pourrait compter.

La propagande annexioniste de New-York exploite à Cuba trois intérêts fort distincts, dont deux sont même essentiellement contradictoires. Aux noirs, elle promet l’émancipation ; aux propriétaires d’esclaves, elle offre la restauration et l’impunité de la traite à l’abri du pavillon américain, le partage de la prospérité commerciale et agricole des États-Unis. Elle s’adresse enfin aux susceptibilités locales, déclame contre la tyrannie militaire et l’avidité fiscale de la métropole et vante les douceurs du régime fédéral[3]. Voyons jusqu’à quel point, ce triple appel peut trouver des échos au sein de la population de Cuba.

  1. Noticia del Ceremonial antiguo para et juramento del Principe de Asturias, etc. (Madrid, libreria de Monier.)
  2. A la naissance des infans, c’est le drapeau national qu’on arbore.
  3. Replica de don José Antonio Saco à los mexionistas. Madrid, 1850. Imprenta de la Compaña de Impresores y libreros. — Cette brochure, bien qu’écrite au point de vue d’une polémique trop personnelle et trop minutieuse, donne une idée très complète de la propagande annexioniste.