Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour eux-mêmes, et qui ne mettaient pas leur paresse et leurs vices à la charge de l’état. Les lois nouvelles font certains avantages à ceux qui font certaines économies ; elles récompensent les vigilans, les sobres, les honnêtes, ceux enfin qui imitent la fourmi et non ceux qui imitent la cigale. Vous voyez bien qu’à cause de cela même ces lois sont destinées à rester étrangères et inutiles aux ouvriers qui n’aiment pas le travail, et qui ne s’en intitulent pas moins le peuple des travailleurs. Que l’assemblée le sache, elle a fait le bien, elle n’en sera pas plus populaire pour cela, et nous n’en entendrons pas moins répéter par les mille échos de la presse démagogique que l’assemblée ne fait rien pour le peuple, et qu’il n’est rien sorti du travail de la commission sur l’assistance publique.

Nous devons compter aussi parmi les bonnes œuvres de la majorité de l’assemblée la loi sur la mise en état de siège de la Guadeloupe. L’état de nos malheureuses colonies est vraiment déplorable. La liberté des noirs, que le gouvernement provisoire a proclamée imprudemment, a excité au plus haut degré la haine des diverses races qui peuplent nos Antilles. Hier encore esclaves, aujourd’hui citoyens et électeurs, que voulez-vous que fassent les noirs, sinon d’obéir aux rancunes de l’esclavage ? Comment espérer la paix quand on met des armes aux mains des passions et des intérêts rivaux ? Aussi les plus cruels récits de meurtres et d’incendies nous arrivent sans cesse de la Guadeloupe. Les défenseurs même ou les auteurs de cette brusque émancipation qui a désolé les colonies nous en font de tels tableaux, qu’il faudrait en conclure que les deux races ne peuvent plus exister sur le même sol. Ainsi la liberté des noirs aurait pour effet l’extermination des blancs. Que dites-vous de ce nouveau produit de la fraternité de 1848 ?

Nous ne voulons pas en finir avec les délibérations de l’assemblée, pendant cette quinzaine, sans dire un mot d’une délibération sur les colonies agricoles de l’Algérie. Nous laissons de côté ce qui touche aux erreurs qui ont été faites dans le choix des colons. Ces erreurs ont été signalées d’une manière expressive dans le rapport de M. Reybaud ; mais les députés de l’Algérie s’étaient imaginés que la meilleure manière de faire prospérer ces colonies, c’était de les affranchir de ce qu’on appelle le régime militaire, pour les ramener au régime civil, et là-dessus nous avons entendu de grandes déclamations contre ce qu’on nomme le militarisme ou le gouvernement du sabre. Nous ne saurions dire, laissant de côté les hommes que nous respectons toujours pour aller aux choses que nous avons le droit de juger, nous ne saurions dire combien ces déclamations nous semblent sottes et ingrates, sottes et ingrates en Algérie, à propos de laquelle on les fait, sottes et ingrates en France, où l’on vient les faire. Y a-t-il un pays au monde qui doive plus à l’armée que l’Algérie et la France ? L’une lui doit d’être née, et l’autre lui doit de n’être pas morte. En Algérie, tout a été fait et créé par l’armée. C’est l’armée qui a bâti les villes, bâti les ponts, bâti les routes, bâti les églises, bâti les maisons ; c’est elle qui a défriché les champs, planté les arbres, creusé les fontaines dans ces colonies agricoles elles-mêmes qu’elle a si grand’peine à empêcher de retomber dans la stérilité et dans l’inculture, depuis qu’elle y a installé les citadins turbulens et paresseux qu’on y a envoyés comme colons. Dans, les derniers temps de la république