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est vrai, il y a vingt ans : « La propriété seule assure le loisir indispensable à l’acquisition des lumières et à la rectitude du jugement ; la propriété seule rend les hommes capables de l’exercice des droits politiques… Lorsque les non-propriétaires ont des droits politiques, de trois choses il en arrive unes ou ils ne reçoivent d’impulsion que d’eux-mêmes, et alors ils détruisent la société, ou ils reçoivent celle de l’homme ou des hommes du pouvoir, et ils sont des instrumens de tyrannie, ou ils reçoivent celle des aspirans au pouvoir, et ils sont des instrumens de factions. J’établis donc des conditions de propriété, et je les établis également pour les électeurs et pour les éligibles… » Mais nous avons changé tout cela, et nous avons entrepris de prouver au monde qui ne connaissait encore de république ayant vécu et ayant fait quelque figure dans le monde que les républiques aristocratiques, nous avons entrepris de prouver qu’une république démocratique pouvait, dans un grand état, vivre avec le suffrage universel.

Jusqu’ici nous avons beaucoup plus parlé de la politique générale que des discussions de l’assemblée. Cela tient à ce que, ne voulant pas parler de la loi de la presse, il n’y a pas eu dans cette quinzaine d’autre discussion importante qui ait attiré l’attention du public. Les délibérations de l’assemblée n’en ont pas moins été utiles. Nous avons, en effet, à mentionner pendant cette quinzaine plusieurs lois excellentes, de ces lois que les partis demandent avec emportement, tant qu’ils pensent qu’on ne les leur accordera pas, et qu’ils oublient aussitôt qu’on les a faites : la loi sur les caisses de secours mutuels, qui fait le pendant à la loi sur les caisses de retraite, la loi sur les sociétés de patronage, la loi sur l’avancement des fonctionnaires publics ; nous n’oublierons pas même la loi sur les mauvais traitemens infligés aux animaux, car la liberté d’être brutal et cruel avec les animaux ne nous a jamais semblé une liberté qu’il fallut soigneusement maintenir, convaincus, comme nous le sommes, que toutes les brutalités et toutes les violences se touchent. Parmi ces lois, celles qui sont surtout destinées à soulager les classes laborieuses ont été discutées par l’assemblée avec beaucoup de soin. Préparées par le grand et intelligent rapport de M. Thiers sur l’assistance publique et par les rapports spéciaux de M. Benoît d’Azy, ces lois, nous l’espérons, produiront quelques heureux effets elles feront du bien, quoiqu’elles n’aient pas fait de bruit. Nous ne croyons pas qu’elles vont renouveler en un instant la face de la société laborieuse ; nous ne nous attendons pas à des miracles. Il y a quelque chose à quoi l’assemblée doit encore moins s’attendre qu’à des miracles : c’est à la reconnaissance, je dis à la reconnaissance bruyante ou à la popularité. Elle aura la reconnaissance des ouvriers honnêtes et laborieux qui profiteront du bienfait des nouvelles lois ; elle n’aura pas celle des ouvriers coureurs de clubs et lecteurs de journaux. Ceux-là ne connaîtront pas les nouvelles lois, pour deux raisons : la première, parce que leurs journaux se garderont bien de leur dire que le gouvernement du président et l’assemblée législative viennent de faire trois lois qui seront favorables aux intérêts des classes laborieuses ; l’autre raison qui fera que les ouvriers dont nous parlons ne connaîtront pas ces lois par leurs effets, c’est que ces lois ont sagement établi que la société ne devait faire quelque chose que pour ceux qui commençaient par faire quelque chose