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C’est un des aspects par lesquels s’aperçoit le mieux tout ce que la nation française pouvait et devait s’attendre à rencontrer de difficultés sur ses pas, quand elle se précipita, et le monde entier avec elle, dans la carrière des révolutions en 1789. On imagina qu’on n’avait qu’à étendre la main pour atteindre le paradis terrestre. Illusion ! il y avait à traverser des défilés étroits, escarpés, obscurs, d’où nous ne sommes pas sortis encore. Il y avait à récolter, au lieu de délices, des amas de déceptions et d’amertumes. Dans ce laborieux pèlerinage entre un passé désormais impossible et un avenir inconnu, quelle triste complication d’étranges retours et de réactions imprévues ! Tout y est mobile et périssable, sauf les principes qui se développent péniblement à travers les ruines des institutions et la poussière des renommées. De temps en temps on se dresse une tente pour faire une station ou recueillir ses esprits et ses forces ; mais on se persuade qu’on érige un palais pour l’éternité, puis on est tout stupéfait lorsque l’ouragan révolutionnaire vient, comme le simoun des déserts africains, renverser cet abri éphémère et commander qu’on se remette en marche. Cependant il ne faut jamais l’oublier, car c’est une consolation suprême au milieu de toutes ces épreuves, dans le pêle-mêle de ces désenchantemens même, la vertu et le génie des peuples, de ceux du moins qui sont destinés à survivre, vont sans cesse en grandissant. Et ce n’est pas une petite joie pour des générations d’emporter avec soi l’assurance que