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avec l’état ou entre eux, des dispositions contraires à la liberté civile, qui sont autant de causes d’appauvrissement, qui dépouillent le travail des individus d’une partie de sa puissance, tout comme si on leur liait à chacun une main derrière le dos une ou deux heures de la journée, que dis-je ? sans discontinuer, pendant sept années de suite[1]. Les lois qui ont ce fâcheux caractère sont, celles-ci de l’ordre militaire, celles-là de l’ordre administratif, d’autres de l’ordre fiscal. Certes, en somme, avant 1789, la liberté civile du citoyen français était moindre qu’aujourd’hui, et le bien-être du tiers-état en général, celui des classes pauvres particulièrement, s’en ressentait profondément. Cependant, c’est un aveu triste à faire, les soixante dernières années, dans le nombre des lois qu’elles nous ont léguées et qui sont encore en pleine vigueur, nous en ont laissé plusieurs qui traitent la liberté civile plus sommairement que la législation de l’ancien régime, et ces lois sont autant d’obstacles à ce que les populations, malgré leur amour du travail, secouent la misère qu’elles portent avec tant d’impatience.

Ces atteintes à la liberté sont autant d’atteintes à la justice, car qui viole l’une blesse l’autre du même coup. Au reste, dans l’indication rapide que nous allons faire des changemens à introduire dans la législation française, afin qu’elle devienne aussi libérale que c’est praticable aujourd’hui, nous aurons lieu de montrer en quoi les dispositions législatives que nous signalerons comme antipathiques à la liberté sont incompatibles avec la notion que les hommes ont aujourd’hui de la justice, je veux dire inconciliables avec l’égalité devant la loi, ou, pour employer une formule plus précise, avec l’unité de loi et l’égalité de droits[2]. Puisque le capital se forme par l’épargne prévoyante qui met de côté une portion des fruits obtenus, il s’ensuit que, pour qu’il se fasse le plus de capital, il faut que l’œuvre soit plus fructueuse, car on épargne plus facilement sur un lot de mille que sur un de cinq cents. Ce n’est pourtant pas tout. Il faut aussi que la part de chacun de ceux entre lesquels se divisent les fruits, capitalistes, chefs d’industrie, ouvriers, soit soumise au moindre prélèvement. Dans les sociétés où il n’y a plus de privilégiés qui puissent se croire fondés à exiger des redevances semblables aux ci-devant droits seigneuriaux, l’impôt au profit de l’état ou de la localité est le seul prélèvement qui reste autorisé par la justice. Hors de l’impôt, il ne doit y avoir que des services rendus qui soient réciproques et équivalens.

  1. On verra tout à l’heure pourquoi ce nombre sept.
  2. Cette formule est de M. Guizot. De la Démocratie en France.