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momentanément s’abuser ou se laisser induire en erreur sur les conditions de cette liberté, ils peuvent courir après l’ombre quand ils sont au moment d’avoir la substance ; mais ils en ont l’amour au fond da cœur, ils la poursuivent : elle ne leur échappera pas. Toute politique qui consiste à la leur contester par le gros ou par le menu, ou qui est de nature à les mettre hors de la voie, est une politique funeste.

Au sujet de la liberté politique, il n’est pas, à beaucoup près, aussi certain que tous les peuples soient destinés à en jouir grandement, au moins à une époque prochaine. Tous n’y montrent pas la même disposition, et c’est fâcheux pour la liberté civile elle-même, car celle-ci, lorsqu’elle n’a pas autour d’elle le rempart de la liberté politique, est comme dans le moyen-âge une ville ouverte en rase campagne, à la merci des partisans. La race anglo-saxonne, par une précieuse faveur du ciel, a plus que les autres souches, plus que la nôtre certainement, l’aptitude à la liberté politique. De temps immémorial, elle a su la pratiquer ; elle y était adonnée déjà dans les forêts de la Germanie. Cependant, de ce que, chez nous, la liberté politique n’a pas de racines dans le passé, de ce que, dans le présent même, dans les soixante dernières années, les tentatives faites pour l’introduire largement par la brèche dans nos lois ont peu réussi, ce n’est pas à dire que nous devions désespérer de nous l’approprier. L’individu est perfectible, les nations le sont aussi. Une bonne hygiène fait des merveilles sur les tempéramens individuels ; une éducation bien entendue peut, avec le temps, avoir les plus grands effets sur le moral d’un peuple. Les leçons de l’expérience nous ont coûté cher, mais il semble qu’elles nous profitent. Qu’on médise tant qu’on le voudra de l’époque actuelle qui oserait la comparer à la première république française ? Nous ne devons épargner aucun effort pour implanter chez nous la liberté politique. Les échecs ne doivent pas nous rebuter. Il y va de tout ce que nous avons de plus cher, peut-être du salut de la nationalité française, car il n’est pas démontré qu’il y ait un avenir pour les nations qui ne pourront se faire à la liberté politique. Quand un principe est appelé à gouverner le monde, les peuples qui ne peuvent le faire passer dans leur sang disparaissent de la scène, quelque bien doués qu’ils soient d’ailleurs, quelques grandes choses qu’ils aient déjà accomplies de leur bras et de leur pensée.

Revenons à la liberté civile. Il nous la faut aussi étendue que l’état des esprits le comporte. Il nous la faut pour que nous ayons la puissance d’éloigner de nous la misère. Or, en fait de liberté civile, n’avons-nous rien à désirer de ce qui pourrait exercer une influence très prochaine sur le bien-être de la société, sur le développement de la richesse nationale ?

Il existe dans nos lois, dans ce qui règle les rapports des citoyens