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que l’admiration bannit de l’intelligence toute autre pensée que la pensée même de la beauté. La fontaine des Nymphes peut être nommée sans exagération une école de sculpture. Je ne dis pas que cette école suffise à l’éducation d’un artiste : à Dieu ne plaise que je prononce un tel blasphème ; mais, à coup sûr, quiconque aura étudié attentivement les nymphes de la fontaine, quiconque aura contemplé d’un œil assidu l’harmonie savante qui régit toutes les lignes de ces figures, pour peu qu’il ait en lui-même le sentiment de la vraie beauté, sera merveilleusement préparé par cette contemplation à l’interprétation du modèle vivant. L’excellence des œuvres de Jean Goujon consiste surtout dans l’absence de réalité littérale. Les nymphes de la fontaine sont très vraies, car elles sont belles, et la beauté ne se conçoit pas sans la vérité ; mais elles n’ont rien de réel, rien de littéral : le modèle s’est agrandi, s’est assoupli sous le ciseau du statuaire ; la réalité a perdu tout ce qui la déparait, gagné tout ce qui lui manquait ; interprétée par le génie, elle a conquis l’immortalité. C’est pourquoi la fontaine des Nymphes me semble un digne sujet d’étude pour nos jeunes statuaires.

Les sculptures de l’hôtel Carnavalet, sans avoir la même importance que la fontaine des Nymphes, sans offrir un ensemble aussi harmonieux, méritent cependant l’attention des esprits éclairés. Je ne veux établir aucune comparaison entre ces deux monumens ; je me contenterai de caractériser en quelques mots les quatre saisons qui décorent le premier étage au fond de la cour. Entre ces quatre figures modelées, avec la même habileté, je préfère pourtant la seconde et la quatrième, je veux dire l’Hiver et l’Été. Je ne conteste pas le mérite qui recommande la première et la troisième, le Printemps et l’Automne ; mais ; je ne trouve pas, dans ces dernières figures la même élégance, un égal bonheur dans le choix des attributs. Ainsi, par exemple, tout en reconnaissant la jeunesse qui éclate dans le Printemps, la souplesse de la poitrine, je n’accepte pas les fleurs qui s’enroulent autour des jambes et les coupent en deux. Il est douteux qu’un pareil ornement réussit en peinture ; taillé dans la pierre, il déplait. L’Automne, représenté par un homme d’un âge mûr, est malheureusement divisé en deux parties à peu près égales par les feuilles et les fruits qui s’enroulent autour des hanches. Le caractère général de l’Automne est bien ce qu’il doit être le dessin est ferme sans sécheresse, la vigueur respire dans le torse et dans les membres ; mais cette ceinture de feuilles et de fruits ne séduit pas le regard et rompt désagréablement les ligues de la figure. Chose digne d’attention, et que je signale ici pour la seconde fois, le Printemps et l’Automne, représentés sous la forme virile, ont moins de valeur et d’élégance que l’Hiver et l’Été, représentés sous les traits d’une femme. La fontaine des Nymphes