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non pas d’après les données poétiques consacrées depuis long-temps dans la statuaire, mais d’après les lois générales du dessin, en tenant compte de l’âge du modèle.

Or, quel âge avait le modèle ? Ici, l’histoire justifie pleinement la pensée exprimée par Boileau dans le siècle suivant. La vérité la plus vraie manque souvent de vraisemblance. Diane de Poitiers avait trente et un ans lorsqu’elle perdit son mari, et Henri II, alors duc d’Orléans, n’avait que treize ans. À la mort de François Ier, en 1547, elle avait quarante-sept ans, et, sans vouloir déterminer à quel âge elle devint la maîtresse du duc d’Orléans, nous sommes obligé d’admettre que la Diane du château d’Anet est postérieure à la mort de François Ier, car nous savons que le château fut bâti par Diane avec les largesses de son royal amant. C’est avec le fruit du droit de confirmation que Diane éleva les murs de ce palais enchanté, dont il reste à peine aujourd’hui quelques débris. Ce droit, dont François Ier avait gratifié sa mère, Louise de Savoie, était perçu au début de chaque règne sur les officiers publics qui voulaient être confirmés dans leurs offices. Est-il vraisemblable qu’une femme de quarante-sept ans ait posé pour la Diane du château d’Anet ? Assurément non, et pourtant tous les contemporains s’accordent à nous représenter Diane de Poitiers comme une merveille de jeunesse et de beauté long-temps après la mort de son mari. Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes, maîtresse de François Ier, avait beau dire qu’elle était née le jour où Diane s’était mariée, cette raillerie sanglante ne lui donnait pas la victoire sur sa rivale. Non pas que j’admette comme vrai le propos accrédité par les mauvaises langues de la cour, et que j’accuse Diane d’avoir été la maîtresse de François Ier avant d’être la maîtresse de Henri II. Sans vouloir prendre au sérieux la défense présentée par Brantôme, sans voir dans le tombeau élevé à la mémoire du grand sénéchal de Normandie et dans les couleurs qu’elle a portées toute sa vie un gage incontestable de sa tendresse conjugale, je répugne cependant à croire qu’elle ait payé de sa personne la tête de son père, Jean de Saint-Vallier, complice du connétable de Bourbon. La fière réponse qu’elle fit à Henri II, lorsqu’il lui proposa de légitimer publiquement le fruit de leurs amours, ne s’accorde pas avec la tradition que je combats. Quand je parle de la rivalité de la duchesse d’Étampes et de Diane de Poitiers, qui n’était pas encore duchesse de Valentinois, je ne parle pas d’une rivalité d’alcôve, mais d’une rivalité de cour. Eh bien ! est-il vraisemblable qu’une femme de cet âge ait servi de modèle à Jean Goujon ? La raison dit : Non, et l’évidence dit : Oui. Il est vrai que nous savons, par le témoignage des contemporains, que Diane prenait de sa beauté un soin assidu que les femmes d’aujourd’hui négligent trop souvent. Elle luttait courageusement contre l’envahissement des années, et s’éveillait chaque jour avec la ferme résolution d’éterniser sa