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finesse matoise de l’Anjou, partout ailleurs vous retrouvez le peuple soumis dont la force est surtout dans sa patience. Il fallut des croyances blessées, l’horreur de l’exil militaire créé par la conscription, le respect voué à leurs nobles et à leurs prêtres pour entraîner les Vendéens dans cette insurrection qui coûta à la France près de trois cent mille combattans. Leur élan fut terrible comme celui de tous les hommes paisibles violemment arrachés au repos. Ils y apportèrent l’énergie des ardeurs qui se ménagent et des volontés habituellement contenues.

Au reste, si le caractère des populations de la Vendée ne diffère que par des nuances, il en est tout autrement du pays lui-même. Rien de plus varié que ses productions, de plus opposé que ses paysages. Sur le rivage occidental, tout est aride et menaçant ; mais remontez au nord, et vous ne trouverez plus que métairies cachées dans la verdure, que clochers pointant dans les feuilles et chemins creux serpentant sous les coudriers. Là, tous les champs sont enclos de haies vives, au-dessus desquelles s’élèvent des arbres émondés dont les troncs hérissés de branches présentent l’aspect d’un taillis suspendu dans les airs. Les frênes, les ormes, les chênes, les érables mêlent leurs rameaux, et forment un immense rideau de verdure que brodent les touffes jaunâtres du châtaignier sauvage et les blanches étoiles du cerisier. Si, de loin en loin, le bocage s’ouvre pour laisser voir quelques clairières, ce ne sont que des landes couvertes de joncs fleuris ou de bruyères roses. Gagnez la plaine au contraire, et sur-le-champ tout feuillage disparaît. En juillet, vous croiriez voir la Beauce avec ses océans de blés qui ondulent et ses villages terreux cuits par le soleil ; mais en septembre, après les moissons coupées, c’est une Arabie pétrée, et vous n’apercevrez plus, jusqu’à l’horizon, qu’une immense étendue de grois, terrains livides parsemés de calcaires blanchâtres que l’on prendrait pour des ossemens. Cependant ne vous découragez pas de cette aridité, continuez vers le sud, et, en atteignant le Marais, vous verrez encore l’aspect changer tout à coup. La terre n’y est plus qu’un accident, une œuvre artificielle. La contrée tout entière semble une Venise champêtre, où les moissons ont l’air de mûrir sur pilotis et les troupeaux de brouter des prairies flottantes. Nous parlons ici du Marais-mouillé ; quant à la partie comme sous le nom de Petit-Poitou, dont le Flamand Humfroy Bradléi commença le dessèchement sous Henri IV, c’est une miniature de la Hollande, avec ses mille canaux d’écoulement, ses booths et ses contre-booths[1].

Je ne connaissais le Marais vendéen que par quelques lignes des Mémoires de Mme de Larochejaquelein, lorsque l’occasion de le visiter

  1. On appelle booths les levées qui défendent les desséchemens contre l’inondation, et contre-booths les canaux qui longent les booths.