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insolent quand il se croit à l’abri du danger, le Français parait, dans les cas difficiles, sage, patient, courageux, inventif, plein de ressources. Je ne sais quel ancien diplomate italien, revenant d’une mission à la cour de France, répondait à ceux qui lui demandaient des nouvelles de ce pays : Les choses y vont comme à l’ordinaire ; les Français passent leurs journées à faire des sottises, et le bon Dieu passe les nuits à les réparer. Le mot n’était juste qu’à demi ; si les Français passent une partie de leur temps à faire des sottises, ils passent le reste à les réparer eux-mêmes, et ils en sont toujours venus à peu près à bout. Que de circonstances dans notre histoire où nous avons fait tout ce qu’il fallait pour nous perdre, où d’autres que nous auraient péri cent fois, et où nous avons pourtant fini par nous tirer d’affaire tant bien que mal ! Nous sommes aujourd’hui dans une de ces crises : nous avons déchaîné gratuitement toutes les puissances du mal, mais en même temps toutes les forces du bien se sont armées et soulevées aussi ; la lutte est incessante, mais jusqu’à présent elle tourne beaucoup mieux qu’il n’était permis de l’espérer.

Je sais bien que ce labeur de tous les instans déplaît au pays, mais qu’y faire ? Quand un peuple a pour habitude de renverser son gouvernement dès qu’il en a un, il faut de toute nécessité qu’il apprenne à s’en passer et à faire ses affaires sans mandataire. « De tous les systèmes de gouvernement, dit M. Guizot, la république est à coup sûr celui auquel l’assentiment général et spontané du pays est le plus nécessaire. On peut concevoir et on a vu des états monarchiques fondés par la force ; mais la république imposée à une nation, le gouvernement populaire établi contre l’instinct et le vœu du peuple, cela choque le bon sens et le droit. » L’observation est parfaitement juste. Nous voyons cependant, depuis deux ans et demi, la France rester républicaine malgré elle, et bien qu’elle soit parfaitement libre de changer son gouvernement, si bon lui semble. C’est qu’il y a quelque chose de plus fort même que la volonté toute-puissante d’une nation arrivée aux dernières limites de la souveraineté, c’est la condition qu’elle s’est faite à elle-même par ses actes antérieurs. La France ne peut plus être qu’une démocratie ; elle a détruit systématiquement tout ce qui, de près ou de loin, pouvait être un obstacle réel ou apparent à l’exercice complet, absolu, de la souveraineté démocratique ; ces précédens lui font une fatalité qu’elle doit subir, et, après avoir voulu les causes, elle n’est pas libre de rejeter les conséquences, quelque désagréables qu’elles lui paraissent pour le moment.

Quoi qu’il en soit, que la France retourne sur ses pas ou qu’elle continue à marcher en avant, que le grand problème de notre organisation politique soit enfin résolu ou que nous soyons destinés à périr dans l’anarchie, la période qui s’est écoulée de 1830 à 1848 n’en aura