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gouvernement de Louis XVI, comme du gouvernement de Louis-Philippe, qu’il a été emporté au milieu de son succès. La plupart des historiens modernes, ne commençant leurs récits qu’à la convocation des états généraux en 1789, ne parlent pas du règne de Louis XVI. Ce règne qui avait duré quinze ans, quand a éclaté la révolution, ne mérite pas un pareil oubli. Rien n’avait été négligé par cet excellent et malheureux prince pour réparer les funestes effets du détestable gouvernement de Louis XV ; il n’y était pas sans doute complètement parvenu, mais il avait fait à peu près tout ce qui était possible. Au dedans, l’habile administration de Turgot et de Necker avait affranchi le travail, réorganisé l’administration et rétabli l’ordre dans les finances ; au dehors, le traité d’alliance avec les États-Unis et la guerre maritime contre l’Angleterre avaient amené la plus grande victoire que la France eût obtenue depuis Louis XIV.

En 1792, comme en 1848, la France ne s’est pas contentée des résultats excellens obtenus par son gouvernement ; elle a eu, comme dit M. de Lamartine, l’impatience du mieux, et cette impatience du mieux l’a jetée dans le pire. Dans l’un et l’autre cas, le gouvernement étant libéral, modéré, ennemi de toute violence, et ne cherchant sa force que dans l’adhésion publique, a été délaissé par la nation et livré sans défense à l’agression du premier venu. La bande qui s’est emparée des Tuileries au 10 août n’était ni plus nombreuse ni plus respectable que celle qui s’est emparée des Tuileries le 24, février ; aux deux époques, c’est la même cause, l’abandon universel, qui a produit la même catastrophe. Ne semble-t-il pas résulter de ce même fait, reproduit si exactement à soixante ans d’intervalle, que ce régime de la monarchie constitutionnelle essayé deux fois, deux fois renversé au plus fort de ses bienfaits, n’est pas dans les mœurs de ce pays-ci ? Il est vrai que, de leur côté, les gouvernemens excessifs n’ont pas été plus heureux, et que l’anarchie terroriste, le despotisme impérial, la simple tentative d’un retour au droit divin de la part de la restauration, ont abouti bien vite aux mêmes chutes. Malheureusement l’impuissance des uns ne remédie pas à l’impuissance des autres. Ce qui résulte le plus clairement de l’avortement successif de ces diverses tentatives, c’est que ni les unes ni les autres n’offraient la solution tant cherchée, et que le fruit qui doit sortir de la révolution n’était pas mûr.

Dira-t-on que la nation est corrigée par l’expérience, et qu’elle ne retombera plus à l’avenir dans les mêmes erreurs ? Je le souhaite, mais je suis forcé d’en douter. Certes, si nous pouvions prendre un peu de ce bon sens pratique qui caractérise les Anglais et l’ajouter à nos autres qualités, nous serions le premier peuple du monde. Si une première fois, sous Louis XVI, nous avions su rendre justice à ce que nous avions, tous les bons résultats de la révolution auraient été obtenus