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de l’ingratitude publique, n’a pas tardé à se confirmer. Au lieu du regret, c’est la fureur que la conduite contraire aurait excitée, et Dieu sait où cette fureur nous aurait menés. Tant que le roi a pu croire que la nation ne séparait pas sa cause de la sienne, tant qu’il s’est vu entouré de l’assentiment public, il n’a reculé ni devant des émeutes plus formidables que celle de février, ni devant les balles des assassins. Le cœur ne lui a manqué que pour entreprendre une lutte contre la nation qui l’avait fait roi. Peut-on l’en blâmer ? Les rois légitimes se défendent toujours et à tout prix, parce qu’ils croient avoir un droit supérieur à celui des peuples ; les rois constitutionnels n’ont le pouvoir et le droit de se défendre qu’autant que les peuples se défendent avec eux.

Il en est de même de ce qui a suivi l’abdication du roi. Le roi parti, la régence n’était guère possible dans l’état d’exaspération des esprits, avec le surcroît d’espérances données aux partis hostiles par l’abdication, quand le flot révolutionnaire vainqueur ne trouvait plus devant lui qu’une femme et un enfant. Ce qui est arrivé en une heure pouvait arriver en un jour, en un mois, en un an, plus ou moins, si la régence avait été proclamée, et avec des convulsions terribles. Qui sait, hélas ! si notre histoire révolutionnaire n’aurait pas à enregistrer deux crimes de plus, et si l’assassinat d’une femme et d’un enfant n’aurait pas souillé de nouveau le nom français ! C’était la quatrième fois depuis soixante ans qu’une couronne brisée tombait en France sur le front d’un héritier mineur, et quatre fois le droit de l’enfant royal a été foulé aux pieds : Louis XVII, Napoléon II et le duc de Bordeaux marquaient d’avance la destinée du comte de Paris. Quant à la résistance hors de la capitale, c’est une tentative qui serait tout au plus possible aujourd’hui, après ces deux années d’expérience, mais qui était alors tout-à-fait chimérique. Les départemens, quoi qu’ils en disent maintenant, ont accueilli avec indifférence la chute de la monarchie ; ce n’est que plus tard, lors de la publication des fameux bulletins et de l’envoi des fameux commissaires, qu’ils ont compris de quoi il s’agissait. Quiconque, prince ou citoyen, eût entrepris la guerre civile dans un intérêt qu’on eût regardé comme uniquement monarchique n’aurait recueilli que des malédictions.

Nous tous, qui avons pris part à un titre quelconque au dernier gouvernement, nous serions les derniers des hommes si le sentiment de l’inutilité d’une résistance plus prolongée ne nous avait pas tous gagnés en présence de l’aveuglement général. L’opposition parlementaire surtout, qui a été appelée au dernier moment à sauver la monarchie, et qui n’a usé de son court pouvoir que pour donner l’ordre de rappeler les troupes, aurait une bien lourde responsabilité à porter. Reconnaissons plutôt que, dans un pays libre, il n’y a pas de remède quand les idées sont une fois perverties comme elles l’étaient alors. La résistance