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de cette intervention qui a précipité la crise en 17912, et qui est devenue, après 1793, le fait dominant ; vingt ans de guerre contre l’Europe, assurément ce n’est pas là un petit incident, et on peut dire qu’il suffirait à lui seul pour expliquer des différences plus grandes encore que celles qui éclatent entre les deux révolutions.

Les conséquences de cette longue guerre ont été nombreuses. D’abord, elle a surexcité l’esprit révolutionnaire français, déjà si porté à l’excès ; elle a accru la tendance naturelle de notre révolution à sortir d’elle-même et à se répandre sur ses voisins ; elle a favorisé cet esprit de propagande que nous tenons de nos maîtres les philosophes, et qui prétend faire de nous les instituteurs du genre humain. Puis elle a associé aux luttes, aux dangers, aux succès et aux revers de la révolution la population française tout entière ; elle a fourni au peuple proprement dit le moyen de gagner son brevet de noblesse sur les champs de bataille, elle l’a habitué au maniement des armes, et lui a donné, avec le sentiment de ses droits, celui de sa force. En Angleterre, il n’en a jamais été ainsi ; la guerre y est restée une profession à part ; aucune levée en masse n’a été nécessaire pour la défense nationale, et le peuple, inhabile aux armes, est resté plus docile et moins turbulent. Enfin, dans le gouvernement lui-même, l’état de guerre a développé cette organisation particulière à la France et qu’on appelle la centralisation. Héritière de deux despotismes, le comité de salut public et l’empire, la centralisation cadre mal avec la liberté. En Angleterre, il n’y a pas de centralisation ; elle y est considérée comme contradictoire avec la liberté, et je crains bien qu’elle ne le soit en effet. Depuis qu’on a essayé d’établir chez nous la liberté politique, l’habitude de la centralisation n’a servi qu’à tromper la France sur ses institutions, à lui faire croire qu’elle était moins libre qu’elle ne l’était réellement, et elle a été, à deux reprises différentes, un instrument de révolution.

J’en dirai autant du caractère national. Les peuples, comme les individus, ont un caractère, un génie propre et distinct, qui est le produit de leur origine, du climat qu’ils habitent, de la marche qu’a suivie leur développement. Il y a quelques rapports entre le génie français et le génie anglais : ce qui tient au caractère normand et germanique est commun ; mais les oppositions sont encore plus sensibles. On trouve en France un élément latin et méridional qui manque complètement en Angleterre. Pour former un Anglais, il suffit d’un Saxon et d’un Normand ; un Français est beaucoup plus complexe : il se compose non-seulement d’un Franc et d’un Gaulois, mais encore d’un Romain, et le plus souvent c’est le Gaulois et le Romain qui dominent. La persévérance est le signe distinctif de l’homme du Nord ; la mobilité est, au contraire, caractéristique de l’homme du Midi. L’Anglais est raisonnable, pratique, positif, il a peu de besoins d’imagination,