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et après lui l’électeur de Hanovre ; la naissance étrangère de ces princes, leur caractère peu sympathique, le peu de goût qu’ils montraient pour la nation anglaise, tout disparaissait pour elle devant ce grand intérêt de la succession protestante.

La seconde différence, moins saillante, mais non moins profonde, et qui est d’ailleurs jusqu’à un certain point une conséquence de la première, est dans la portée même du mouvement politique au commencement des deux révolutions. En Angleterre, la nation ne réclamait d’abord rien de nouveau ; elle ne voulait que ressaisir des droits anciens, positifs, elle s’insurgeait au nom de la grande charte menacée par des empiétemens ; elle ne voulait pas faire une révolution, mais en empêcher une, car c’était le pouvoir royal qui était l’agresseur, c’était la couronne qui cherchait à établir la nouveauté du pouvoir absolu contre les traditions de la liberté. La lutte s’envenima par la résistance de Charles Ier, et finit par aboutir à l’échafaud de White-Hall ; mais au début il ne s’agissaissait pour le pays que de conserver l’héritage commun, et non de faire des conquêtes nouvelles. Rien de pareil ne s’est vu au début de la révolution française : quelques hommes plus éclairés et plus vertueux que les autres ont bien essayé un moment de rattacher le mouvement de 1789 à la tradition des anciennes libertés nationales, mais ils ont été dépassés dès le premier jour ; le souvenir des états-généraux s’était perdu dans deux siècles de despotisme, tandis qu’en Angleterre le nom du parlement n’avait jamais cessé d’être présent, et, loin que le pouvoir royal en France entreprît d’empiéter, ce fut au contraire la révolution qui prit immédiatement l’agression contre la couronne inoffensive.

On ne succède pas impunément à un mouvement philosophique comme celui du XVIIIe siècle. Ce mouvement avait tout ébranlé, les croyances politiques comme les croyances religieuses ; il n’était pas seulement national, il était encore universel : il portait ses visées plus haut et plus loin qu’une simple réforme dans les lois françaises ; il n’aspirait à rien moins qu’à changer le sort de l’humanité tout entière. De pareilles prétentions s’étaient bien montrées en Angleterre, et le XVIe siècle avait été, sous tous les rapports, le précurseur du XVIIIe ; mais elles n’avaient recruté qu’un petit nombre d’adhérens, elles n’avaient pas pénétré dans la masse de la nation. L’Angleterre, prise dans son ensemble, était restée fermement attachée à ses institutions héréditaires, et si un fort parti égalitaire et républicain s’était formé dans son sein, l’immense majorité du pays avait conservé sa foi dans la nécessité d’une monarchie et d’une aristocratie. Même aujourd’hui, les trois quarts des Anglais sont encore imbus de ces opinions sucées avec le lait, qui passent en France pour des préjugés. Chez nous, au contraire, le doute s’était porté sur tout ; on n’était pas précisément républicain, ou du moins on ne croyait pas l’être, mais on était encore