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marquée. Guillaume III a régné treize ans, et Louis-Philippe dix-sept ; ces deux périodes offrent donc une égalité de durée suffisante pour qu’on puisse les comparer. En définitive, le gouvernement fondé sous les auspices de Guillaume a porté l’Angleterre au faite où nous la voyons ; mais les commencemens ne répondirent pas à la grandeur des conséquences. C’est sous la reine Anne que les victoires du duc de Marlborough réduisirent aux dernières extrémités la monarchie de Louis XIV ; la guerre n’aboutit, du vivant de Guillaume, qu’à la paix de Ryswick, qui fut loin d’être considérée comme un grand succès pour les confédérés. Cette paix n’eut d’autre mérite, dit l’historien Hume, que de délivrer pour le moment l’Angleterre d’une guerre qui ne pouvait se continuer sans la réduire à la dernière misère ; et cette guerre désastreuse, qui l’avait provoquée et en quelque sorte imposée au pays ? Le prince d’Orange. La fin du règne fut marquée par une des plus grandes mystifications diplomatiques dont l’histoire fasse mention. Pendant que Louis XIV amusait Guillaume par un traité de partage de la monarchie espagnole, il préparait le testament de Charles II, qui plaça la couronne d’Espagne sur la tête de son petit-fils. Le tour réussit au premier abord ; Guillaume joué n’eut rien à dire, et il eut la douleur, avant de mourir, de reconnaître Philippe V comme roi d’Espagne.

À côté de ces échecs, car ce sont bien des échecs, et ils furent considérés comme tels par les contemporains, qu’on place le tableau des succès qui ont rempli le règne de Louis-Philippe : la guerre générale évitée, ce qui paraissait impossible après la catastrophe de 1830, et en même temps que les prospérités de la paix étaient conservées aux populations, immense bienfait qui suffirait à lui seul pour illustrer un règne, la France obtenant à l’extérieur plus d’avantages que n’aurait pu lui en donner la guerre la plus heureuse : le royaume de Belgique fondé, création précieuse qui résout enfin la difficulté jusqu’alors insoluble de notre frontière du nord, et le gouvernement français n’hésitant pas, pour forcer la main à l’Europe, à prendre d’assaut la citadelle d’Anvers en face des armées coalisées ; l’Autriche arrêtée dans ses progrès en Italie par l’occupation d’Ancône, et forcée de reculer ; l’Algérie entièrement conquise par nos armes et annexée à notre territoire ; le Maroc châtié et Taïti pris malgré l’opposition de l’Angleterre ; l’indépendance de la Grèce consolidée ; enfin une autre question de succession résolue en Espagne, le prétendant absolutiste écarté et vaincu, la guerre civile éteinte malgré les sympathies plus ou moins apparentes des puissances du Nord, le trône constitutionnel de la reine Isabelle soutenu et affermi, et un fils du roi des Français épousant au mépris des menaces de l’Europe l’héritière de Castille.

À l’intérieur, il suffit de jeter les yeux sur ce qu’est encore la constitution anglaise après deux siècles de perfectionnemens pour voir combien l’organisation politique de ce pays devait être défectueuse