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il est vrai, où la défiance des libertés publiques conduisait la restauration, il partageait les opinions de l’opposition et séparait naturellement sa cause de celle de la branche aînée ; mais il s’est abstenu de tout acte d’hostilité, et, quand la catastrophe de juillet est arrivée, il n’a accepté la couronne qu’avec hésitation et sous la pression d’un danger imminent pour le pays et pour lui-même. Ou le trône ou l’exil, disait M. Laffitte, qu’il choisisse. Les vaincus eux-mêmes, écrivait quelques jours après le nouveau roi à l’empereur de Russie, m’ont jugé nécessaire à leur salut, et le fait était vrai, bien qu’il ait été nié plus tard. Guillaume, au contraire, a ouvertement conspiré contre son beau-père Jacques II, qui était en même temps son oncle. Il correspondait avec tous les mécontens anglais et réunissait autour de lui, à la Haye, les plus compromis ; enfin, il n’attendit pas qu’une révolution se fit en Angleterre, il la fit lui-même ; il passa la mer avec une armée, publia une déclaration où il énumérait les griefs des Anglais contre Jacques II et mettait en doute la légitimité de la naissance du prince de Galles, marcha sur Londres, d’où son approche fit fuir le roi, et réunit dans cette ville, occupée par ses troupes, une convention nationale qui lui donna la couronne, non sans difficulté.

Ainsi, dans l’un des deux cas, ce fut une conquête, une véritable invasion, légitimée ensuite par l’adhésion quelque peu forcée du parlement ; dans l’autre, ce fut au contraire du pays que vint l’initiative ; le trône ne fut accepté qu’après qu’il fut vacant et en présence d’une nécessité impérieuse. Je sais bien que l’esprit de parti a voulu contester ces faits, mais il n’est plus permis aujourd’hui de les révoquer en doute. Aucune part de responsabilité ne revient au duc d’Orléans dans le soulèvement populaire de juillet, il en fut sinon surpris, du moins épouvanté tout le premier, car il savait très bien par sa propre expérience jusqu’où pouvait aller ce torrent quand il avait une fois rompu ses digues. Son seul crime est de n’avoir pas voulu partager l’exil de Charles X et d’avoir répondu à l’appel du pays qui lui demandait de le sauver. Devait-il se borner à exercer la régence pendant la minorité de l’héritier direct ? C’eût été plus régulier sans doute, mais était-ce possible ? C’est à grand’peine que les vainqueurs de juillet consentirent à accepter un roi élu quoique Bourbon ; la seule proposition d’une régence avec un roi légitime aurait excité à l’instant même un nouveau soulèvement dont les conséquences pouvaient être terribles. Il ne fut sérieusement question de la régence nulle part. Pour Guillaume III, ce fut tout autre chose. La régence avait au contraire un très fort parti dans le parlement et dans le pays ; Guillaume fut obligé de déclarer catégoriquement qu’il n’en voulait pas, et de peser fortement sur le parlement pour qu’elle ne fût pas votée.

Enfin, et ce n’est pas le moindre trait de cette comparaison, le roi Louis-Philippe n’a jamais eu d’autre intérêt que l’intérêt français,