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du monde ; dites-moi si, en traitant cette question, je traite la vraie question ?… »

À quoi reviennent ces paroles ? À cet autre mot de De Maistre : « Il faut purifier les volontés ou les enchaîner. » Qu’on ne dise pas que c’est du mysticisme ! C’est, sous une forme singulièrement accusée, originale, le résumé de tout ce qu’ont pensé ceux qui ont médité sur les révolutions et en ont sondé le mystère. Une étude rationnelle conduit aux mêmes conclusions morales. Souvenez-vous de ce que disait Burke dans sa Lettre à un membre de l’assemblée nationale, en 1791 : « Les hommes sont en état de jouir de la liberté civile exactement dans la même proportion où ils sont disposés à contenir leurs passions par les liens de la morale, dans la même proportion où leur amour pour la justice est supérieur à leur cupidité, où la justesse et la solidité de leur entendement sont au-dessus de leur vanité et de leur présomption, dans la même proportion où ils sont prêts à préférer les conseils des bons et des sages à la flatterie des fripons. La société ne peut subsister s’il n’existe pas quelque part un pouvoir qui restreigne les volontés et les passions individuelles, et moins ce pouvoir a de force dans l’intérieur de la conscience des hommes, plus en faut-il à celui qui leur est étranger. » Ce n’est point le hasard qui me faisait rapprocher ces esprits divers, ces observateurs des révolutions. Burke. De Maistre, M. Donoso Cortes, qui, avec des caractères de talent bien distincts, se rejoignent parfois dans les mêmes pensées.

Ceci est, si je puis ainsi parler, le côté intérieur, organique des révolutions énergiquement analysé par M. Donoso Cortès. Veut-on saisir un autre de leurs aspects, le côté extérieur ? Veut-on les voir dans l’influence qu’elles exercent sur les relations générales des peuples, sur l’état de l’Europe, sur l’attitude particulière de chaque pays dans le drame contemporain ? L’orateur espagnol embrasse cet ensemble de la situation européenne en plongeant, selon sa coutume, aux extrémités de l’horizon, en scrutant le sens final de ces mouvemens dont le plan mystérieux est peut-être près d’éclater à tous les regards ; l’auteur de Pie IX du moins n’hésite pas à l’indiquer. Dans ce palpitant débat des destinées de notre vieux monde, la France n’a point le beau rôle, la France n’a pas de bonheur avec M. Donoso Cortès ; il la voit dans ses mauvais jours ; il la montre, — je voudrais pouvoir dire avec injustice, — livrée à une débilité chronique, avec des traditions rompues et une politique nouvelle qui n’existe pas, sans amis et sans desseins, « La France, dit-il dans son discours du 30 janvier 1850, était, il y a peu de temps encore, une grande nation ; aujourd’hui, elle n’est pas même une nation, elle est le club central de l’Europe. » L’Allemagne ! l’auteur la représente, en quelques traits, transformée en chaos, s’agitant dans sa fourmilière de questions politiques, religieuses, nationales, cachant dans ses forêts noires les maîtres de l’athéisme, « les