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elle résume le travail de cette pensée instruite aux spectacles de notre siècle, avide de certitude, et qui va, dans son développement, des interprétations rationnelles d’un cours de droit politique aux vues de philosophie catholique dont les pages consacrées à Pie IX sont l’expression. Un mouvement original d’idées anime cette série d’études poursuivies à travers les révolutions, qui touchent à bien des points et prennent des formes diverses : investigations hardies dans le domaine de la science politique et historique ; lettres datées de l’exil où l’auteur analyse et dépeint, avec une ingénieuse nouveauté d’aperçus, les systèmes, les hommes, l’état général de la France, où il passe de l’éclaircissement du problème de la guerre à une dissertation sur l’éclectisme, du portrait de M. de Talleyrand au portrait de M. Guizot ou de M. de Lamartine ; essais éloquens sur la civilisation espagnole ; fragmens où la réalité contemporaine a son écho. M. Donoso Cortes a été journaliste, ai-je dit ; il a passé par cette vie de la polémique qu’il appelle lui-même justement et spirituellement l’exterminatrice des styles. M. Donoso Cortès a été journaliste comme il est orateur, en choisissant ses momens, dans des conditions déterminées, non comme un de ces inutiles trafiquans de paroles qui font métier d’échansons ordinaires de la curiosité publique, mais en intervenant parfois, par une initiative énergique, dans une situation exceptionnelle, pour en dévoiler les périls et rendre un drapeau aux esprits incertains. C’est ainsi qu’il a fait le Porvenir en 1837, le Piloto en 1839, et c’est à l’influence du premier de ces journaux sur les cortès qu’est dû en partie ce résultat singulier d’une constitution conservatrice sortant de circonstances révolutionnaires.

Reportez-vous, par le souvenir, vers ces premières années constitutionnelles, années de sanglantes épreuves pour la Péninsule ; recomposez un moment cette période où la guerre civile s’allume de toutes parts et enferme l’Espagne dans un cercle de feu, où Madrid, décimé par le choléra, assiste épouvanté et impuissant à l’incendie de ses couvens, au massacre de quelques religieux sans défense, où la monarchie est humiliée à la Granja sous la main de quelques sergens entrepreneurs de révolutions, — époque d’anarchie dans les faits, de fermentation dans les esprits et de calamités physiques. Dans cette incandescence universelle, où se forme en même temps une génération nouvelle d’hommes d’état, de publicistes, de poètes, un des talens qui se révèlent avec le plus de jeunesse, de spontanéité et d’éclat, c’est M. Donoso Cortès. C’est sous le coup même des scènes de la Granja, en 1836, que le jeune publiciste entreprend de rassembler les élémens de la science politique moderne dans un Cours de droit constitutionnel professé à l’Athénée. Il ne traduit pas, il ne commente pas servilement quelques pages des publicistes européens ; le mérite du brillant écrivain,