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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE EN PERSE.


bientôt connue des habitans de la plaine et des montagnes environnantes. Leurs mœurs sauvages, leur passion pour le brigandage rendaient une agression probable, et nous dûmes nous mettre en garde. Le plateau sur lequel se trouvent les ruines est ouvert et accessible de tous côtés ; il ne nous offrait donc aucune garantie de sécurité. Nous l’abandonnâmes pour chercher ailleurs un emplacement plus favorable à notre établissement, et nous choisîmes pour cela une terrasse située au-dessous. Protégée de deux côtés par un escarpement de sept à huit mètres, cette terrasse était défendue, sur le troisième, par un grand mur auquel nous adossâmes notre tente et attachâmes nos chevaux. Ainsi établis, n’étant à découvert que par le quatrième côté, nous pouvions espérer ne pas être enveloppés dans une attaque que nous avions toute raison de craindre. Ces dispositions bien insuffisantes étaient les seules que nous pussions prendre ; notre personnel, d’ailleurs, ne se composait que de cinq serviteurs, dont trois persans, auxquels nous ne pouvions accorder une bien grande confiance. Tout bien compté, nous étions donc sept pour faire face à des attaques qui pouvaient être tentées par une tribu entière. Cette infériorité numérique nous décida à tenter auprès du gouverneur de Chiraz une démarche qui, grace à l’empressement de ce fonctionnaire, nous valut le renfort de trois soldats pris dans un des régimens de la garnison de cette ville ; mais, presque en arrivant, l’un d’eux fut mordu par un serpent, et sa maladie prit un caractère assez grave pour qu’il fallût le renvoyer à son corps : il ne nous resta plus que deux auxiliaires. Notre petite troupe était ainsi portée à neuf combattans, plus ou moins disposés à défendre notre camp. Nous n’eûmes qu’à nous louer de nos deux fantassins, qui étaient venus avec armes et bagages, et qui, moyennant une haute paie, faisaient très militairement leur service. Grâce à eux, nous pûmes sans trop d’inquiétude nous éloigner de nos bagages et visiter à notre aise les grandes ruines qui nous entouraient.

Dès le lendemain, nous nous mîmes à l’œuvre et commençâmes la longue et pénible étude qui devait, nous l’espérions du moins, compléter les travaux de nos prédécesseurs. La montagne au pied de laquelle nous étions, et qui borne la plaine à l’est, forme en cet endroit comme une espèce d’hémicycle. Sa base s’élargit en suivant une pente douce. C’est là que sur un vaste plateau, en partie produit naturellement par le rocher, en partie construit avec de gros blocs de pierre rapportés pour établir le niveau du sol, s’élèvent les ruines encore majestueuses de Tâkht-i-Djemchid. La position du palais avait été admirablement choisie. Adossé à la montagne, entouré sur trois côtés par une ceinture de rochers élevés, le palais, était parfaitement abrité contre les intempéries qu’auraient pu lui apporter les vents de nord et d’est. Exposé obliquement au sud et faisant face à l’ouest, il recevait les