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sainte dans les contrées montagneuses ; les populations des plaines, qui se trouvaient sous la surveillance de nos postes, ne bougèrent pas en apparence ; mais elles écoutaient et propageaient les rumeurs les plus hostiles à notre cause ; on représentait l’armée comme affaiblie au point de ne pouvoir plus s’aventurer en dehors des places fermées ; on annonçait que l’Europe entière avait déclaré la guerre à la France, que des troupes musulmanes innombrables envahissaient les frontières algériennes à l’ouest et à l’est, que nous allions être bientôt réduits à abandonner notre conquête. » La fermeté de nos soldats et de nos officiers fit échouer ces tentatives ; mais, pour détruire Zaatcha et pour soumettre Boucada à la fin de 1849, il a fallu de grands efforts. Qu’on l’on ne croie donc pas que nous puissions changer notre état intérieur sans changer en même temps notre état extérieur ! Notre puissance s’ébranle même en Afrique, quand nos institutions trébuchent à Paris.

Nous ne voulons pas raconter en détail les diverses expéditions faites en 1850. Nous aimons mieux prendre dans le rapport de M. le ministre de la guerre ce qui caractérise le rôle civilisateur de notre armée en Afrique, ce qui montre qu’elle ne s’occupe pas seulement de batailler et de rédiger des bulletins, comme on l’en a sottement accusée, mais qu’elle civilise le pays qu’elle conquiert, qu’elle le gouverne et qu’elle l’administre d’une manière bienfaisante et éclairée.

Chaque fois qu’une expédition se fait, chaque fois qu’un pays nouveau s’ouvre à nos armes, à l’instant une route est construite pour percer la contrée, pour en rendre l’accès facile, pour la soumettre. Les routes sont des instrumens de conquête, mais ce sont aussi de grands instrumens de civilisation, et partout où vont nos soldats, ils laissent une route comme témoignage de leur victoire. Un pays percé de routes est un pays soumis, et, de plus, c’est un pays dont les habitans, pouvant désormais communiquer aisément avec leurs voisins, ne vivent plus dans une indépendance sauvage et barbare. Ainsi, du côté de La Calle et près de la frontière de Tunis, une expédition est envoyée afin de réprimer le brigandage de quelques tribus, qui profitaient de leur situation limitrophe pour piller impunément des deux côtés, se prétendant tunisiennes quand elles pillaient les tribus qui sont sous notre domination, et se prétendant algériennes quand elles pillaient les tribus qui sont sous l’autorité du bey de Tunis. Ce qui faisait la force de ces tribus, c’étaient les broussailles où elles se réfugiaient. Le commandant de la colonne d’expédition a fait percer ces broussailles de plusieurs routes, et par là non-seulement le brigandage a été réprimé, mais il est devenu presque impossible. Ailleurs, entre Sétif et Bougie, les travaux et les combats de nos troupes « ouvrent définitivement au commerce du littoral le débouché de Sétif, des belles plaines de la Medjana, de Boucada, et, par cette ville, du Sahara central. Les modifications dans les circonscriptions du commandement du Sahara de Constantine, les relations chaque jour plus étroites nouées avec l’oasis d’Ouargla, l’occupation permanente de Boucada, ont tout préparé pour faciliter l’écoulement de nos produits dans l’intérieur de l’Afrique. Le gouvernement a rempli sa tâche en établissant la sûreté des communications ; il appartient maintenant au commerce, par le choix et la bonne qualité de ses approvisionnemens, d’attirer les caravanes sur nos marchés. »