Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/1129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses vaillans cousins, et menant.dans son cortége, sous les voûtes triomphales de l’arche napoléonienne, toute sa famille repentante et pardonnée.

Nous n’avons rien à dire, quant à présent, contre aucune de ces aspirations politiques, si ce n’est que, pour notre santé d’à-présent, elles nous semblent bien violentes. L’avenir est l’avenir. Dieu est grand, et tout le monde ; a le droit aujourd’hui d’être son prophète : ne chagrinons personne. Ce que nous dirons seulement, c’est qu’à force de regarder aux étoiles, il ne faudrait pas oublier trop vite de regarder à nos pieds. Il n’est pas encore sûr que tous les puits soient fermés le long de notre chemin : on ne sait ni ce qu’il en peut sortir, ni jusqu’où l’on y peut tomber. Prenons donc, sans trop de scrupule, le temps qu’il faut pour fermer les plus menaçans abîmes. Fermons-les avec tout ce que nous avons dans les mains plutôt que de les laisser ouverts pendant que nous étendrons les mains en marchant dans la nuit pour chercher autre chose. Avisons au plus pressé : sommes-nous donc tellement robustes que nous puissions tout vouloir à la fois ? Chacun est libre de garder ses souvenirs, et nous avons les nôtres : il nous suffit de savoir que leur tour viendra.

Les amis de la famille royale de Claremont ne conspirent pas et n’intriguent pas : ils soutiennent sincèrement le gouvernement, parce que le gouvernement soutient sincèrement la société ; mais ils peuvent ressentir une légitime satisfaction quand ils voient la France témoigner plus vivement qu’ils ne l’auraient cru le regret qu’elle a de la mort du roi Louis-Philippe, et la justice tardive, mais d’autant plus grande, qu’elle rend à sa mémoire. Personne n’a dicté les messes qui se disent dans tant d’églises de France pour le repos de l’ame du roi, personne n’a prié les conseils-généraux de témoigner la douleur qu’ils ressentaient de la fin de Louis-Philippe. Ces hommages, d’autant plus précieux qu’ils sont spontanés, doivent plaire aux amis de la monarchie de juillet. Cela ne leur fait pas une espérance, cela leur fait une consolation. C’est une justification de ce mot, si vrai et si mélancolique d’Henri IV, et que le roi aimait à répéter quand il régnait : « Vous ne me connaîtrez que quand vous ne m’aurez plus ! »

Les amis de la royauté de juillet ont une autre consolation, c’est l’union persévérante et décidée de la famille royale d’Orléans. On avait beaucoup dit et on dit encore que, le père mort, les enfans se disperseront, et que, sans qu’ils le veuillent, la diversité des résidences et des entourages amènera la diversité des sentimens. Non ; la famille royale restera unie de cœur et de fait. Mme la duchesse d’Orléans ne retournera pas à Eisenach ; la reine ne quittera pas l’Angleterre, et elle sera le centre et le lien vénéré de toute la famille. Les biens mêmes restent dans l’indivis. Rien n’est donc changé à Claremont. Il n’y a qu’une grande douleur de plus ajoutée aux douleurs de l’exil. Il n’y a pas plus d’illusions et plus d’impatiences. Le roi n’a pas emporté avec lui sa sagesse et son bon et ferme jugement ; il l’a laissé à sa famille, et nous dirions volontiers que la reine, par l’élévation de son ame, continuera à juger aussi bien des choses de la terre et du temps, en les regardant de la hauteur toute divine où elle est placée, que le faisait le roi en les regardant avec ce regard sûr et clairvoyant que lui avait donné sa longue expérience.

« C’est le roi qui a fait la famille d’Orléans, disait, il y a quelques jours, M. le duc de Nemours ; c’est à ses enfans à la conserver et à l’entretenir. » En