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en propriété, et qu’une bonne fortune accidentelle lui permit de réaliser ?

Après la première émotion des crises vient la période du découragement. Les capitalistes qui ont fait tête à l’orage se retranchent dans l’inaction et n’osent pas entreprendre. C’est alors que, si les banques ont résisté avec bonheur et avec vigueur à la débandade, leur solidité étant éprouvée, on leur apporte de plus belle les capitaux sans emploi, et que leurs caisses regorgent bientôt de métaux précieux : à une rareté alarmante d’argent succède une abondance stérile ; mais, pour en arriver là, il faut traverser la première période ; qui est celle du péril, et en vue de laquelle la science détermine les principes du crédit.

L’auteur de l’apologie cherche à établir que la situation de la Banque de France est préférable à celle de la banque d’Angleterre. Pour aboutir à cette conclusion, il a dû placer son parallèle en dehors des faits. Les voici, au risque de me répéter, dans toute leur exactitude. La Banque de France, suivant le compte-rendu du 29 août, avait une circulation d’environ 503 millions de francs en billets au porteur et en billets à ordre, qui représentait une valeur à peu près quintuple de celle de son capital. La banque d’Angleterre, suivant le compte-rendu du 13 juillet, avait une circulation en billets à vue et en billets à sept jours de vue de 545 millions de francs, qui n’excédait son capital que de 99 millions, soit de 22 pour cent. On fait remarquer que la grandeur du capital sert de peu, lorsque ce capital n’est pas disponible ; mais en est-il ainsi de l’autre côté du détroit ?

La banque d’Angleterre a prêté à l’état, sans échéance déterminée de remboursement, la somme énorme de 277 millions de francs. Je n’approuve pas l’opération ; il s’en faut pourtant que ce prêt absorbe, comme le prétend l’auteur de l’apologie, le capital entier de la banque, car il reste encore une marge de 170 millions. Aux termes de l’acte de 1844, la banque d’Angleterre peut émettre pour 14 millions sterling de billets, sans en recevoir la contre-valeur en numéraire ; au-delà de cette somme, tout billet doit être représenté dans ses caisses par des espèces ou par des lingots. Cependant les directeurs de cet établissement n’ont usé à aucune époque de toute la latitude qui leur était ouverte par la loi : en effet, le département des émissions livre au département de la banque proprement dite 30 millions sterling de billets contre 14 millions de valeurs en reconnaissances du gouvernement, en bons de l’Échiquier ou en rentes, et contre 16 millions sterling de valeurs métalliques en or ou en argent ; mais, sur les 30 millions de billets, 20,274,000 liv. sterl. Seulement entrent dans la circulation active. En y joignant 1,331,610 liv. sterl. de billets à sept jours de vue, compensés jusqu’à concurrence de 800,242 liv. sterl. par les espèces que le département de la banque tient en réserve, on