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libre, et de convertir l’assemblée nationale, par la puissance apparente de cet argument, a la reprise des paiemens en espèces. Eh bien ! rien ne semble moins certain que cette abondance que l’on promet au trésor. Sans parler des alarmes ou des émotions qui peuvent ralentir la marche ascendante de la fortune publique. le revenu des douanes, pour les six premiers mois de 1850, présente, comparativement à la même période de 1849, une diminution de plusieurs millions. Voilà donc, par ce côté tout au moins, un démenti donné aux espérances officielles. Ajoutons l’obligation de pourvoir aux dépenses qu’entraînera la construction du chemin de Lyon laissée à la charge de l’état, et il y aura lieu de douter que le trésor soit en mesure de se passer, en 1851, des 75 millions dont on a réduit peut-être avant le temps les engagemens de la Banque.

En admettant l’hypothèse la plus favorable, la Banque, ayant prêté ou devant prêter au trésor 125 millions, une somme supérieure à son capital et qui n’est pas remboursable avant la fin de l’année 1852, pouvait-elle, sans manquer à la prudence, rentrer dans le cadre naturel de ses statuts ? L’apologiste de la loi du 6 août se prononce hardiment pour l’affirmative. À l’entendre, le fardeau qui résulte pour la Banque des engagemens contractés envers l’état n’excède nullement ses forces, et il pense le démontrer en faisant figurer, en regard des 100 millions déjà prêtés et des 25 millions exigibles, les 70 millions que le trésor a déposés en compte courant.

L’art de grouper les chiffres n’est pas précisément l’art de payer ses dettes. Qu’importe que le chiffre des dépôts temporaires faits par le trésor s’élève ou s’abaisse, si ces mouvemens ascendans ou descendais ne retranchent rien en définitive aux engagemens de la Banque, et si les sommes que l’état dépose peuvent être retirées à volonté ? Le compte courant s’élève aujourd’hui à 70 millions, parce que le ministre des finances tient en réserve un encaisse nécessaire au paiement du semestre. Après le 22 septembre, les dépôts publics tomberont peut-être à 25 ou 30 millions. Dans tous les cas, les engagemens de la Banque envers le trésor sont quelque chose de très certain, tandis que les versemens du trésor à la Banque sont quelque chose de très incertain. La Banque doit tout l’argent qu’elle a promis de prêter, tandis que le trésor sur l’argent qu’il reçoit, peut ne pas déposer un centime. Commençons donc par rayer de nos appréciations les éventualités à l’aide desquelles on prétend grossir l’actif de la Banque ; jusqu’à la fin de 1852, le passif provisoire, c’est-à-dire le prêt non encore remboursé de 125 millions, doit seul figurer dans les calculs. Ce prêt excède les forces de la Banque de France, car il dépasse son capital de 17 millions, et, sur les 108 millions qui composent ce capital accru de la réserve, 73 millions, sont représentés par des rentes sur l’état ou par des immeubles, en sorte que, pour prêter 125 millions au trésor, la Banque est obligée