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en instrument et en véhicule du crédit pour la France entière. En 1847, au moment où le gouvernement proposait à la chambre des députés d’autoriser l’émission de coupures de 250 fr., je demandai par voie d’amendement des coupures de 200 francs et de 100 fr. ; le pouvoir législatif ne m’accorda que la moitié de ce que je réclamais dans l’intérêt du commerce et de l’industrie : il fallut une révolution pour mettre les moyens de circulation en rapport avec l’étendue et avec le caractère exclusif du privilège.

Lorsque la commotion de février 1848 fit chanceler sur ses fondemens la monarchie de 1830, j’étais à la tribune, défendant cette fois, aux applaudissemens de la Banque elle-même, l’unité de la circulation fiduciaire, et soutenant qu’il ne fallait dans le pays qu’un seul papier de banque, tout comme il n’y avait, depuis la suppression de l’anarchie féodale, qu’une seule monnaie. Les intérêts départementaux, mal éclairés, luttaient encore énergiquement ; au bruit de la foudre ; révolutionnaire et à la lueur, des éclairs, contre ce dernier terme du progrès en matière de crédit ; le gouvernement provisoire ou plutôt la force des choses fit justice de leur résistance. Enfin, faut-il rappeler que, sous le régime du cours forcé, la limite fixée à l’émission des billets se trouvant bientôt trop étroite, et le commerce réclamant avec instance une extension que la Banque souhaitait, mais que M. le ministre des finances n’était pas décidé à proposer, je me rendis l’organe de ces plaintes par des interpellations que l’assemblée nationale voulut bien approuver et qui la déterminèrent à étendre la limite légale à 525 millions ? À cette époque, dès le mois de décembre 1849, la Banque de France, ayant épuisé la faculté d’expansion dont l’avait dotée le décret du 15 mars 1848, obligeait les commerçans qui lui demandaient des billets à recevoir des espèces. Le paiement des effets échus ainsi que les mouvemens de fonds devenaient à peu près impossibles. Le cours forcé n’était plus qu’une fiction de la loi, un régime dont le public supportait les charges sans en avoir les bénéfices ; les échanges commerciaux, ne s’opérant guère plus qu’au comptant, étaient gênés par la pénurie des billets, et menaçaient de s’arrêter dans plusieurs centres de travail. Le législateur, en augmentant la somme des émissions, rendit à l’industrie l’air vital et l’espace.

Avec ces souvenirs, je devais peut-être m’émouvoir plus qu’un autre à la seule crainte de voir compromettre le sort d’une institution qui a grandi et qui s’est consolidée au milieu des orages politiques. Ce que veut la Bangue aujourd’hui, ce qu’elle peut, elle le doit au régime du cours forcé, qui a universalisé et popularisé son crédit en France. Qui me blâmera de vouloir qu’avant d’abandonner un système tutélaire, quoique anormal, on s’assura, dans cette transition de la servitude à la liberté, des garanties suffisantes d’une existence solide et