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Vers la fin du grand siècle, dans une lettre en vers que le petit prince de Dombes est supposé écrire à sa jeune cousine, Mlle d’Enghien (qu’il appelait ordinairement sa femme) ; pour l’engager à venir à Versailles auprès de Mme la duchesse du Maine, qui gardait le lit pendant une grossesse, il lui fait entrevoir bien des plaisirs, et quels plaisirs !

Pour prit d’une action si belle,
Je vous promets Polichinelle[1] !…

Le rédacteur de cet attrayant billet était Malézieu, le chancelier de la petite principauté ou plutôt du petit prince de Dombes. À ce titre, Malézieu joignait ceux de membre de l’Académie française, de surintendant du duc du Maine, et surtout d’ordonnateur de toutes les fêtes de la duchesse. Il était l’ame de ces fameux divertissemens de Sceaux qui ont fourni deux volumes pleins de stances ; de madrigaux, d’épîtres, de pastorales et de comédies, fêtes de jour et de nuit, qui occupaient ou qui trompaient, dans cette poétique retraite, la mobile imagination et les ambitieuses insomnies de la duchesse ; mais dans ces deux volumes, remplis de babioles, il n’est rien dit d’un genre d’amusement qui a pourtant tenu une grande place, dans les plaisirs de Sceaux : je veux parler des marionnettes. On les faisait, en effet venir de temps à autre, et l’on composait même exprès pour elles de petits dialogues où l’esprit et la malice ne manquaient pas. Un de ces badinages, attribué à Malézieu, souleva, en 1705, une véritable tempête. Je trouve dans le recueil manuscrit des chansons et vers satiriques formé par le comte de Maurepas tous les bulletins de cette petite guerre littéraire. Une note du manuscrit nous apprend à quelle occasion tout ce bruit eut lieu. La duchesse du Maine ayant voulu, pendant l’hiver de 1705, avoir chez elle les marionnettes, on composa une petite scène ad hoc, qui tournait un peu en ridicule MM. de l’Académie française. Ceux-ci l’attribuèrent, avec assez de vraisemblance, à Malézieu et au duc de Bourbon, qui paraît y avoir en badinant fourré quelques moqueries. Aussitôt les épigrammes de p leuuvoir sur le prince et sur l’académicien faux frère. Elles remplissentn avec les répliques, plus de vingt pages in-folio du recueil de Maurepas. Le corps du délit lui-même, un petit dialogue intitulé Scène de. Polichinelle et du Voisin, y est aussi copié[2]. Cette parade est écrite avec toutes les libertés que le genre autorise ; quoique composée de compte à demi par

  1. Voyez les Divertissemens de Sceaux, t. Ier, p. 163
  2. Voyez Recueil de chansons et de vers satiriques, tome X, p. 349 et suiv. Cette scène est, dit-on, imprimée dans un livre intitulé Pièces échappées du feu, Parme, 1717, avec quelques-unes des épigrammes en réponse. Je ne connais que la copie du recueil de Maurepas.