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et un jeune homme se balançant à une branché d’arbre au bord de la mer[1].

Enfin parut Dominique Séraphin, le vrai fondateur en France des ombres chinoises perfectionnées. Cet ingénieux artiste, après divers voyages dans les provinces, vint s’établir à Versailles. Admis plusieurs fois à divertir la famille royale, il obtint pour son théâtre, le 22 avril 1784, le titre de Spectacle des Enfans de France. Cette même année, il transporta son établissement sous les galeries du Palais-Royal, dans le local que ses héritiers occupent encore aujourd’hui. Séraphin ouvrit cette salle le 8 septembre. J’ai sous les yeux une de ses affiches du 19 août 1785 : il y annonce, entre autres scènes nouvelles, le Tableau du Palais-Royal et les Chaires parlantes, ainsi que plusieurs métamorphoses. Il termine par cet avis, qui rappelle son scrupuleux prédécesseur. Ambroise : « Ce divertissement est fort honnête, et MM. les ecclésiastiques peuvent se le permettre. » J’ai sous les yeux une autre affiche du théâtre de Séraphin sans date, mais que je crois de 1792. Elle est vraiment originale c’est toute une scène entre le directeur des Ombres chinoises et un passant. Je vais la transcrire. D’abord, on aperçoit tout au haut la silhouette de Séraphin à mi-corps, qui se détache en noir sur le fond blanc de l’affiche, comme une de ses découpures. De son index allongé, il fait signe à un passant, puis un dialogue s’établit entre eux : « Un moment ! Arrêtez-vous ! Lisez-moi ! — SÉRAPHIN, aux lecteurs : Des changemens, des décorations d’un joli goût embellissent mes Ombres chinoises… J’ai des marionnettes, mais des marionnettes qu’on prendrait aisément pour de charmans petits enfans ; il faut les voir, ainsi que la scène comique de Gobe-Mouche. — UN LECTEUR : mais où est donc la salle de vos Ombres chinoises, Séraphin ? Toutes les ombres de Paris se disent Ombres de Séraphin, qu’on disait depuis long-temps voyageant chez les ombres. — Je n’ai, monsieur, pas encore été tenté de faire ce voyage. Je suis toujours le seul Séraphin. Pour me voir, n’allez ni à Tivoli ni à Idalie ; n’allez ni aux Capucins ni aux boulevards, encore moins à la Veillée, mais venez au Palais-Égalité, galerie de pierre ; n° 121, où je suis fixé invariablement depuis dix-sept ans. Voulez-vous vous délasser ? venez voir mes Ombres chinoises. Toujours jaloux de mériter votre approbation, chaque jour nous changeons de pièces… » En effet, rien de plus varié que le répertoire de Séraphin, et c’est à ce mérite que ce théâtre a dû de vivre aussi long-temps. Depuis son établissement, plusieurs écrivains de quelque valeur ont travaillé pour cette petite scène. Je puis citer Dorvigny, Gabiot de Salins, Maillé de Marencourt. Entre les années 1783 et 1790, Dorvigny y a fait jouer le Bois dangereux ou les Deux voleurs, scène à la silhouette, en vers ; les

  1. Les Spectacles des foires et des boulevards de Paris, année 1778, p. 12.