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parodie de l’opéra de Persée ; trois actes en vers[1], avec un prologue de Carolet, intitulé la Noce interrompue, dans lequel le diable avait un rôle, ainsi que dame Gigogne et Ragonde, une de ses filles[2]. En 1740, Bienfait offrit au public de la foire Saint Laurent une parodie très froide d’opéra de Pyrame, intitulée le Quiproquo ou Polichinelle-Pyrame[3], et, à la même foire, un acte en vaudevilles intitulé les Métamorphoses d’Arlequin[4]. L’idée de cette bluette était assez piquante. Il s’agissait de la querelle des marionnettes et de l’Arlequin de la Comédie-Italienne, Constantini. Celui-ci avait pris, dans un de ses rôles, l’habit de Polichinelle. Le Polichinelle de Bienfait essayait, à son tour, d’imiter l’allure et de prendre le costume d’Arlequin, ce qui ne lui était pas très facile. À la foire Saint-Laurent, les mêmes marionnettes jouèrent la Descente d’Enée aux enfers, parodie par Fuzelier et Valois d’Orville de la Didon de Lefranc de Pompignan, représentée pour la première fois le 21 juin 1734 et reprise cette année, 1740, avec plus de succès que dans la nouveauté. La copie, qui se trouve dans les portefeuilles de M. de Soleinne, indique qu’Enée aux enfers était précédé d’une harangue de Polichinelle[5]. Je ne l’ai pu découvrir. Le même portefeuille contient un petit acte intitulé Critique de la tragédie de Didon pour les marionnettes. La scène se passe chez Éliante ; c’est une conversation dans le genre (au mérite près) de la Critique de l’École des Femmes. Cette critique ne peut guère avoir été jouée qu’en société, car on jouait alors assez souvent les marionnettes en société, comme nous le verrons bientôt.

Vers cette époque, deux anciens joueurs de marionnettes commencèrent à sortir de leur obscurité : Fourré, habitué des foires Saint-Germain, Saint-Laurent et Saint-Ovide, et Nicolet, dont nous verrons bientôt le fils faire passer au boulevard du Temple une partie de la vogue dont jouissaient les foires temporaires. En 1741, Nicolet fit jouer à la foire Saint-Germain, par ses marionnettes, une pièce qui se trouve manuscrite dans les portefeuilles de M. de Soleinne, et dont le titre a l’air d’une nouvelle de gazette : la Prise d’une troupe de comédiens par un corsaire de Tunis ; au mois de septembre 1740. La pièce est datée de 1741, et le permis de représenter porte, avec la date du 28 février 1742, la signature de Crébillon Cette pièce est-elle restée un an à l’examen de la censure ? je ne sais ; toujours est-il prouvé, par

  1. Voyez, ces deux pièces dans le Théâtre inédit de la foire, Soleinne, no 3400.
  2. Théâtre inédit de la foire, Soleinne, no 3400. Le Dictionnaire des Théâtres de Paris indique, sous l’année 1734, la Noce interrompue, parodie de l’opéra de Pirithoüs, dans laquelle Pirithoüs et Hippodamie étaient représentés par Polichinelle et Mme Gigogne.
  3. Théâtre inédit de la foire, Soleinne, no 3400
  4. La copie de M. de Soleinne (ibid) est intitulée les Métamorphoses de Polichinelle.
  5. Théâtre inédit de Fuzelier, Soleinne, no 34°5, 2.