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par an[1]. Les frères Parfait pensent, avec beaucoup de vraisemblance, que les marionnettes ont précédé dans les deux foires tous les autres spectacles[2] ; mais ils n’ont point apporté de preuves à l’appui de cette assertion.

Dans un mémoire publié par le lieutenant de police, M. de la Reynie, contre le seigneur-abbé de Saint-Germain-des-Prés, à l’occasion de la juridiction de cette foire, il est établi qu’en 1646 le lieutenant civil Aubray accorda à des danseurs de corde et maîtres de marionnettes l’autorisation de jouer à la foire Saint-Germain. Il est possible en effet que le lieutenant, civil ne soit intervenu qu’à partir de cette époque dans la police de la foire ; mais il est certain que des autorisations antérieures ont dû être données à des joueurs de marionnettes par les seigneurs-abbés. Ainsi, Scarron, qui, en 1643, c’est-à-dire entre la mort du cardinal de Richelieu et celle de Louis XIII, adressa à Gaston des stances où sont décrits avec agrément les divers spectacles de cette foire, fait une mention expresse des marionnettes :

Le bruit des pénétrans sifflets,
Des flûtes et des flageolets,
Des cornets, hautbois et musettes,
Des vendeurs et des acheteurs,
Se mêle à celui des sauteurs
Et des tambourins à sonnettes,
Aux joueurs de marionnettes
Que le peuple croit enchanteurs…[3].

Devons-nous voir dans ce dernier vers une allusion à l’aventure de Brioché en Suisse ? On le pourrait croire. Les frères Parfait et plusieurs autres critiques pensent que Brioché avait la coutume de transporter ses marionnettes du Pont-Neuf, à la foire Saint-Germain[4]. La tradition en est établie ; le poète Lemière a dit dans le moins imparfait de ses ouvrages :

Où court donc tout ce peuple au bruit de ces fanfares ?
Viens, ma muse ! suivons ces juges en simarre[5]
Ils ouvrent dans Paris un enclos fréquenté,
Asile de passage au marchand présenté
Pour fixer en ce lieu la foule vagabonde,
Qui s’écoule sans cesse et qui sans cesse abonde,
Vingt théâtres dressés dans des réduits étroits,
Entre des ais mal joints, sont ouverts à la fois.

  1. Voyez De la Mare, Traité de la Police, tome I, p. 440.
  2. Mémoires pour servir et l’histoire des spectacles de la foire, tome I, Introd., p. XI.
  3. Stances à son Altesse royale. Il y en a de touchantes sur l’exil de son père et sur la paralysie dont il commençait d’être atteint.
  4. Mémoires pour servir à l’histoire des spectacles de la foire, tome I, Introd., p. XI.
  5. Les magistrats faisaient en grande pompe l’ouverture des deux foires.