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Sans ressource,
Peintres et métiers divers,
Vendeurs de drogues,
Astrologues,
De ce monstre sont couverts.
A la cadence
De la dance,
Sans peine elle enfantera ;
De sa crotesque
Boufonesque
Tout le monde se rira.


« Après ce récit (continue le livret, dont je conserve le style et l’orthographe), entra un habillé en sage-femme, qui, sur un air de ballet assez propre, fit un tour de la salle ; incontinent parut une grande et grosse femme, richement habillée, farcie de toutes sortes de babioles ; comme miroirs, pignes, tabourins, moulinets et autres choses semblables. De ce colosse, la sage-femme tira quatre astrologues, avec des sphères et compas à la main, qui dancèrent entre eux un ballet et donnèrent aux dames un almanach qui prédit tout et davantage, puis se retirèrent. Et d’elle sortirent encore quatre peintres, qui dancèrent un autre ballet, et chacun en cadence faisait semblant de peindre, ayant en la main baguette, palette et pinceaux. Et, comme ils se retiroient, sortirent de cette grande femme quatre opérateurs, ayant une petite bale au col, comme celle que portent ordinairement les petits merciers, au milieu de laquelle il y avoit une cassolette et le reste garni de petites phioles pleines d’eau de senteur, qu’en dançant ils donnoient aux dames, avec quelques certaines recettes imprimées pour toutes sortes de maladies. Sur la fin du ballet, sortit de ce monstre quatre couppeurs de bourses, qui se firent arracher les dents, et au même instant leur coupoient la bourse. Comme ils eurent dancé quelques pas ensemble, les opérateurs se retirèrent et les couppeurs de bourses continuèrent à dancer fort dispostement un ballet qui finissoit à gourmades. Après qu’ils furent sortis de la compagnie et que chacun eut donné ses vers, entra un Mercure, richement habillé, avec un luth à la main, qui récita le sujet de la grande mascarade…[1]. »


C’est bien là assurément dame Gigogne en personne ; mais à quelle époque ce caractère a-t-il passé de la Comédie-Française et des ballets du Louvre dans les boutiques de marionnettes ? Il est probable que ce fut au moment où ce personnage jouissait de la plus grande vogue et avant sa retraite de l’hôtel de Bourgogne[2]. Ce fut donc un peu avant 1669 que dame Gigogne a dû commencer à partager avec Polichinelle la royauté des marionnettes.

  1. Recueil des plus excellens ballets de ce temps, p. 55-58 ; Paris, 1812, in-8o.
  2. Dame Gigogne s’est montrée encore quelquefois sur les grands théâtres de Paris, notamment en 1710 à l’Opéra, dans le ballet des Fêtes vénitiennes, entre ses deux compagnons Polichinelle et Arlequin. Nous l’avons vue encore en 1843, dan un vaudeville parade de MM. Carmouche et Brisebarre, intitulé la Mère Gigogne.