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saints. » Puis vient l’analyse circonstanciée de chacun des cinq actes. « Le premier montrera la vallée de Josaphat à la dernière heure du monde ; le second représentera la résurrection des morts au son de la trompette et des paroles redoutables : Surgite, mortui, venite ad judicium. Au troisième, on verra non seulement la terre et les tombeaux, mais encore la mer rendre les morts qu’elle a engloutis ; au quatrième, le souverain juge viendra séparer les réprouvés et les élus ; au cinquième, apparaîtront le monde retombé dans son premier chaos, puis l’enfer et enfin la cour céleste, récompense des bienheureux. » Ce spectacle était pantomime et accompagné d’une explication orale, comme celles que nous avons vues dans les bas siècles de l’antiquité et au moyen-âge. L’auteur a soin d’annoncer qu’il y aura un orateur chargé de citer les passages de l’Écriture sainte et de prévenir l’assemblée respectable des différens sujets qui rempliront les actes.

Dans presque toutes les provinces de France, de pareilles représentations demi-religieuses et demi-populaires ont continué et continuent encore d’instruire et d’amuser la foule. Il n’y a personne qui n’ait vu, quelque part en France, les Mystères de la Passion ou de la Nativité, joués par les marionnettes, à côté de Paul et Virginie et d’Atala Aujourd’hui même, les Crèches de Marseille sont célèbres dans tout le midi de la France[1].

Ces représentations ne sont pas toujours aussi édifiantes. Il y a peu d’années, d’agiles marionnettes jouaient dans les provinces et notablement dans le pays chartrain, le dirai-je ? la Tentation de saint Antoine. On chantait, en guise de canticum explicatif, la célèbre chanson de Sedaine, composée, comme on sait, pour la fête d’une Toinette. Il y avait autant de tableaux dans le drame que de couplets dans la chanson :

PREMIER TABLEAU

Ciel ! l’univers va-t-il donc se dissoudre ?
Quel bruit, quels cris !… je vois la foudre
Devant moi tomber en éclat.
Tout est en poudre
Sur mon grabat !…

DEUXIÈME TABLEAU (Prière du saint)

…Par ta grace,
Fais que je chasse
L’enfer de ces lieux !

TROISIÈME TABLEAU (qui pouvait offrir un assez piquant défilé)

On vit sortir d’une grotte profonde

  1. M. Hone, dans son savant ouvrage sur les Anciens Mystères, s’est trompé, en attribuant à un théâtre de marionnettes une représentation grossière de la naissance de Jésus-Christ, donnée sur le port de Dieppe, en 1822. Cette représentation, dont le récit a été l’occasion d’un procès contre le Miroir, était exécutée par des acteurs ambulans. Il aurait été facile à l’habile critique de citer d’autres exemples.