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naissance de notre langue nos pères ont dérivé du nom de Marie plusieurs gracieux diminutifs, Marote, Mariotte, Mariole, Mariette, Marion, puis Marionnette[1]. Tous ces noms affectueux et caressans furent appliqués d’abord à de jeunes filles, comme on le voit dans nos anciennes poésies, notamment dans le Jeu de Robin et Marion, où abondent ces dénominations mignardes. Nous trouvons au XIIIe siècle, dans une des pastourelles qui font partie de ce qu’on peut appeler le cycle de Robin et Marion, le joli nom de Marionnette donné à la jeune et gentille Marion :

Hé ! Marionnette, tant aimée t’ai[2] !

Ces douces et tendres dénominations ne tardèrent pas à être appliquées aux petites statues de la Vierge, que l’on offrait, bien attifées et richement parées, à la dévotion de la foule, témoin ces vers d’un vieux poème :

Devant ne sai quel Mariole,
Ki tient un, enfant et accole,
Toute jour s’aloit attroupant[3].

Plusieurs rues du vieux Paris, dans lesquelles on vendait ou dans lesquelles étaient exposées de ces petites images de la Vierge et des saints, furent appelées, les unes rues des marmouzets, les autres rues des mariettes, et un peu plus tard rues des marionnettes.

Cependant, comme l’ironie se glisse partout, on ne tarda pas à détourner le sens aimable ou religieux des mots Marote, Mariotte et Marionnette, pour leur donner un sens profane ou railleur. On fredonnait dans les rues et dans les tavernes, au XVe siècle, un certain chant Marionnette, qui semble n’avoir été guère plus chaste que la chanson Ouvrez votre huys, Guillaurnette[4]. On appela et on appelle encore marotte le sceptre des fous à titre d’office, « à cause, dit Ménage, de la tête de marionnette, c’est-à-dire de petite fille, » qui le surmonte ; enfin les bateleurs forains nommèrent irrévérencieusement leurs acteurs et leurs actrices de bois marmouzets et mariottes. Je lis dans la jolie pièce intitulée Ballade par laquelle Villon crye mercy à chascun :

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À fillettes monstrans tétins
Pour avoir plus largement hostes,
À ribleurs, meneurs de hutins,

  1. C’est aussi l’avis de Gilles Ménage. Voy. Dictionnaire étymologique de la langue françoise, au mot Marionnettes. Ménage ajoute avec raison : « Bochard a mal rencontré en dérivant marionnette du mot latin morio. »
  2. Voyez la sixième des pastourelles publiées par M. Francisque Michel, à la suite du Jeu de Robin et Marion, dans le Théâtre français au moyen-âge, p. 35.
  3. Du Cange, Glossar. mediœ et infim. Latinit., voce Mariola.
  4. Voyez dans les Œuvres de maistre François Villon, le Grand testament, CLIVd huitain, p. 235, édit. Prompsault.