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augmente la concurrence entre les fermiers : Lorsqu’une terre est mise en vente, il n’y a point de lutte possible contre les possesseurs des grands domaines limitrophes, qui n’hésitent pas à offrir de la propriété la plus médiocre un prix extravagant. Au commencement du siècle, l’impulsion donnée à l’agriculture par les progrès de l’industrie, qui changeait en simples consommateurs tous les bras détournés de la terre vers les manufactures, accrut considérablement la valeur du sol, et fit songer à défricher toutes les terres vagues dont l’usage appartenait aux paroisses. De là la multiplication des enclosure bills, qui permettaient d’enclore et d’exploiter les terrains vagues, et qui en attribuaient une partie aux grands propriétaires, en vertu de leurs droits seigneuriaux, et une autre aux paroisses, comme indemnité de la jouissance qu’elles perdaient. De 1800 à 1820, le parlement vota dix-sept mille enclosure bills, s’appliquant à un peu plus de trois millions d’acres. Cette immense étendue de terrain a passé tout entière entre les mains de la grande propriété ; car, outre la portion considérable qui leur était allouée, les maîtres du sol ont acheté peu à peu tous les lots attribués aux paroisses.

Cependant la grande propriété appelait la grande culture, ne fût-ce que par l’économie que celle-ci permet d’opérer sur les frais généraux. Il est inutile d’insister sur les avantages que les propriétaires trouvèrent à substituer à une vingtaine de fermiers deux ou trois personnes dont la fortune répondait de l’acquittement exact des fermages, et qui possédaient à la fois les connaissances et les ressources nécessaires pour améliorer le sol. Ils réunirent donc partout plusieurs fermes en une, et les frais d’exploitation d’un seul domaine exigèrent désormais des capitaux considérables. La diminution du nombre des petites fermes accroissant la concurrence entre les fermiers les moins aisés, ceux-ci, à force de surenchérir les uns sur les autres ; élevèrent les fermages à des taux ruineux. M. Kay a raconté combien la lutte fut vive dans le pays de Galles, où de temps immémorial tout le monde était fermier, et où les cultivateurs firent des efforts surhumains pour conserver l’exploitation du sol. Partout les petits fermiers se ruinèrent ou furent obligés de renoncer à leur carrière. Il nous est impossible de citer les statistiques anglaises antérieures à 1830 à cause des erreurs considérables qui y ont été constatées ; néanmoins on peut dire que, dans la seconde partie du dernier siècle, la moitié de la population agricole payait fermage. Au commencement de ce siècle le nombre des petits fermiers cultivant eux-mêmes ou avec l’aide de journaliers était encore égal à celui des fermiers ayant des valets de ferme ; en 1831, il n’en était plus que les trois cinquièmes ; aujourd’hui, il en dépasse à peine la moitié. En revanche, la proportion des journaliers s’est accrue ; elle est aujourd’hui d’un peu plus des cinq septièmes de la population