Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/993

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui montrait ses dents clicquetantes aux gradins de la cavea et faisait trembler le rustique enfant, et un peu sa mère :

In gremio matris formidat rusticus infans[1].

Ainsi s’établit à Rome une sorte d’échange entre les personnages des Atellanes et ceux du théâtre des marionnettes, à peu près comme on a vu chez nous se mêler et se doubler, pour ainsi dire, les masques de la comédie italienne et les acteurs de la troupe de Polichinelle, de sorte qu’il n’est pas aisé de savoir si, dans certains rôles, les marionnettes ont précédé les acteurs vivans, ou si les acteurs vivans ont précédé les marionnettes. Cette distinction, fort difficile dans les temps modernes, est, comme on le pense bien, impossible pour l’antiquité. Parmi tous les types grotesques que les peintures et les statuettes grecques et romaines nous font connaître, il serait assurément bien téméraire de décider ceux qui se rapportent aux acteurs vivans et ceux qu’on pourrait attribuer aux comédiens en bois. J’indiquerai néanmoins deux petits monumens, qui font partie des dessins de M. Muret, dans lesquels on pourrait voir peut-être deux personnages névrospastiques. Le premier est une figurine de terre cuite, appartenant à M. Comarmont, représentant un personnage accroupi, orné par derrière d’une bosse, et par devant, en guise de contre-poids, d’un phallus énorme ; l’autre est une lampe de même matière et de travail romain, sur laquelle est peint une sorte de Maccus ithyphallique. Le visage présente le type consacré ; mais le buste est pourvu d’une double bosse, tout autrement proéminente que celle du véritable Maccus osque, trouvée à Rome en 1727[2], et c’est ici, je crois, sinon le seul, du moins un très rare exemple de cette monstruosité fantastique bien caractérisée. M. Muret a dessiné cette lampe parmi d’autres objets antiques appartenant à M. Rollin. Ce Maccus représente-t-il un Maccus acteur d’Atellanes, ou un Maccus-marionnette ? Il est difficile de le dire. Cependant, lorsqu’on songe que les bosses du Maccus osque sont très peu apparentes, et que le Pulcinella napolitain (sorte de Pierrot à large vêtement blanc et à demi masque noir) n’en a pas du tout, on est fort tenté de voir dans la peinture de cette terre cuite un type différent de celui du Maccus vivant des Atellanes, et peut-être un Maccus-marionnette.

  1. Juven., Sat. III, v, 176.
  2. Cette statuette de bronze est gravée dans l’Histoire du Théâtre italien de L. Riccohoni, pl. 16. Les épaules et le sternum ne sont que légèrement arqués ; la tunique est serrée à la taille. M. Muret a dessiné chez M. Comarmont à Lyon une autre figurine de bronze toute semblable, offrant même type, même forme, même vêtement.