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ne montre plus dans ces petits théâtres les pantins qu’à mi-corps. Le joueur, placé au-dessous de l’ouverture qui forme la scène, glisse le pouce et l’index dans les manches qui figurent les bras des acteurs et les fait ainsi aisément mouvoir. De là les grands coups de bâton que polichinelle assène à droite et à gauche avec tant de libéralité et de vigueur, ce que ne pourraient faire avec autant de dextérité les marionnettes, plus parfaites d’ailleurs, mues par des fils. L’appareil du castellet est encore plus simple en Chine que chez nous. Monté sur une petite estrade, le joueur de marionnettes ambulant est couvert jusqu’aux épaules d’une toile d’indienne bleue, qui, serrée à la cheville du pied et s’élargissant en montant, le fait ressembler à une statue en gaine. Une boîte, posée sur ses épaules, s’élève au-dessus de sa tête en forme de théâtre. Sa main, cachée, sous les vêtemens de la poupée, présente les personnages aux spectateurs et les fait agir à sa volonté. Quand il a fini, il enferme sa troupe et son fourreau d’indienne dans la boîte, et emporte le tout sous son bras. En Espagne, du temps de Cervantes, avant la suppression du retablo, il fallait qu’un titerero, ou joueur de marionnettes, fût pourvu d’une charrette et, d’un mulet pour pouvoir transporter de village en village son mobilier Scénique[1].


VII. – FORME, COSTUMES ET CARACTERES DES MARIONNETTES.

Il serait curieux, sans doute, de posséder quelques informations précises sur la forme et le costume des marionnettes anciennes. On aimerait surtout à savoir si elles ont affecté (comme ont fait chez nous dame Gigogne et le seigneur Polichinelle) des formes extravagantes et des vêtemens fantastiques. Cette recherche se lie si étroitement à la question de savoir de quelles pièces se composait le répertoire des marionnettes grecques et romaines, que nous croyons pouvoir réunir ici ces deux questions, qui, à vrai dire, n’en forment qu’une seule.

Les marionnettes sont, par leur nature même, la parodie des êtres vivans. Aussi est-ce principalement la parodie qui a dû, par tout pays, alimenter et varier leur répertoire. Soyez sûr qu’à Athènes ces petits acteurs ont enchéri de malice et de gaieté sur Aristophane lui-même, pour bafouer et poursuivre des charges les plus hyperboliques les sophistes, les démagogues, les poètes tragiques, en un mot, pour persifler l’enflure et le charlatanisme sous toutes les formes politiques, religieuses et philosophiques. Les marionnettes ont eu, de tout temps, pour texte favori, la moquerie de la profession dominante, la critique

  1. Voyez Don Quijote, parte 2a, capit. 25 et 26, et le piquant ouvrage picaresque de Francisco de Ubeda, que nous avons déjà cité.