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pas moins parfaitement de force à accomplir elle-même la grande œuvre, absolument comme le fouriérisme, le communisme et le radicalisme se font forts chez nous de convaincre toute la France de leur excellence, pour peu qu’on leur permette de la contraindre d’abord à subir leur empire.

À la fin, cependant, il se rencontra des penseurs assez audacieux pour admettre ce qui résultait des faits plutôt que ce qui résultait de leurs systèmes. Roger Williams fut un des plus prompts à profiter des révélations de l’expérience. Puritain lui-même et victime de l’intolérance, il osa, dès 1630, soutenir, au nom de la sainteté de la conscience, que le magistrat civil avait mission de réprimer le crime, mais que ni lui ni personne n’était jamais autorisé à contrôler les croyances. Exilé du Massachusets pour avoir avancé des opinions si malsonnantes, il alla fonder dans le Rhode-Island la première société qui ait reconnu la liberté de conscience à une époque de foi, la première association qui n’ait point exigé que ses membres acceptassent tous une même loi. En 1645, un pamphlet, écrit en réponse aux ministres puritains de Londres, reprenait la thèse de Roger Williams à un point de vue plus pratique et plus utilitaire. Il s’appliquait à montrer que l’état ne devait point avoir de principes, et que le secret d’établir l’harmonie était de laisser chacun disposer de ses convictions en chargeant uniquement le pouvoir civil de veiller à ce que les diverses convictions ne se tyrannisassent point entre elles. Parmi les sectes dont l’influence était alors prépondérante, il en existait même une qui avait à peu près inscrit ces dogmes en tête de son credo. Cette secte, c’était celle à laquelle appartenait Olivier Cromwell. Issus des brownistes, que les persécutions avaient forcés à se réfugier en Hollande, les indépendans voulaient que chaque congrégation ne relevât que d’elle seule, et formât ainsi une église à part avec pleine liberté de choisir et de renvoyer ses ministres ou ses diacres, en un mot de s’administrer elle-même sans que ni le pouvoir civil, ni aucun synode eût autorité pour la régenter. Réclamer un semblable gouvernement, ecclésiastique, c’était assurément émanciper les congrégations et établir le régime de la liberté dans la discipline. Toutefois les indépendans n’avaient attaqué, si je puis ainsi parler, que les branches du principe de toute tyrannie. Pour sa racine, ils n’y avaient point touché. À tout prendre, ils étaient encore des dogmatiques ; à leurs yeux, leur système était le meilleur, parce qu’il était de droit divin, parce qu’il était conforme aux prescriptions de la Bible. Comme les presbytériens, d’ailleurs, ils croyaient fermement que la vérité est une, que le devoir est de se guider quand même d’après les Écritures sans s’inquiéter des résultats, et pratiquement leur doctrine revenait à dire aux hommes : Regardez tous ceux qui pensent autrement que vous comme des ennemis de