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de manière à paralyser la résistance, et achever ainsi la guerre sans grande effusion de sang, telle est la pensée dominante du prince de Varsovie. » - « Rechercher l’ennemi, pour donner à l’armée qu’il commande l’occasion de prendre une part efficace et glorieuse à la guerre, tel est le but que poursuit le baron de Haynau. Des manœuvres sagement combinées, toujours alliées aux soins les plus prévoyans pour l’entretien et la conservation de son armée, caractérisent les opérations du capitaine russe. »

« Ayant devant lui l’élite des troupes insurgées, conduites par un chef habile, le prince Paskewicz sait tenir compte des mésintelligences qui règnent entre ce dernier et les autres chefs insurgés, et les utiliser pour arriver au résultat désiré. En attaquant avec hardiesse l’armée insurgée qu’il a devant lui, le général autrichien n’ignore pas qu’elle est à peine organisée et sans discipline et conduite de plus par un chef brave, mais ignorant. »

Ainsi la part que l’écrivain militaire attribue à l’armée russe est principalement diplomatique. L’action appartient presque exclusivement aux généraux autrichiens, si ce n’est en Transylvanie, où le général Lüders regagne assez rapidement sur Bem le terrain que Puchner avait perdu. Il ne nous en coûte nullement de reconnaître le mérite que les généraux autrichiens ont déployé dans cette seconde période de la guerre de Hongrie. L’Autriche s’est en un sens rapprochée de l’Occident. Elle a essayé du régime constitutionnel, et, bien que ce premier essai ait été interrompu par la guerre de Hongrie, les ministres autrichiens n’ont point dit qu’ils repoussaient systématiquement le principe. Aussi bien il s’agit moins aujourd’hui en Autriche d’une constitution centrale que des franchises des provinces. Que les provinces soient d’abord organisées conformément aux traditions des divers peuples de l’empire, voilà l’unique question du moment, la plus grave, celle qui a le privilège d’intéresser le plus vivement tous les esprits, à Vienne comme à Prague, à Pesth ou à Agram. Or les états provinciaux ne sont point une nouveauté en Autriche. Avant les révolutions actuelles, ils avaient un prodigieux développement en Hongrie, eu Transylvanie, en Croatie ; ils tendaient à renaître en Bohème. Sans se prêter beaucoup à ce mouvement, M. de Metternich l’envisageait comme une de ces nécessités qui allaient devenir irrésistibles. L’auteur autrichien d’un livre qui fut très favorablement accueilli au dedans et au dehors, l’Autriche et son avenir, exaltait le système des états provinciaux, et y voyait la force et le salut de l’empire. C’est aujourd’hui une cause gagnée. Avant d’arriver à une organisation pleinement satisfaisante, on sera sans doute condamné à des essais infructueux, on éprouvera quelques embarras pour diviser convenablement les provinces ; mais les populations de l’empire, tout en laissant éclater çà et là par momens des signes d’impatience, attendent avec espoir, et elles savent bien que le gouvernement ne peut ni ne veut les ramener au régime ancien.

L’Autriche ne peut donc plus être rangée parmi les états absolutistes. Quoi qu’il advienne, nous pensons que la France ne doit pas perdre de vue la position nouvelle que la question d’Orient d’un côté et celle d’Allemagne de l’autre font à cet empire. Le cabinet de Vienne est, sauf les circonstances exceptionnelles, un allié à la fois pour quiconque croira prudent de tempérer le progrès de la Russie sur le Danube et pour tous ceux qui n’ont pas intérêt à ce que l’Allemagne se centralise sur un seul point. Les peuples de l’Autriche