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Esquisse de la guerre de Hongry en 1848 et 1849. — Il n’est point de gouvernement qui depuis deux ans ait été mis à de plus rudes épreuves que celui de l’Autriche. Attaqué successivement à Vienne, à Milan, à Prague et à Pesth, en butte à la guerre civile et à la guerre étrangère, il a plus que jamais mérité ce surnom d’heureux, felix Austria, qu’il tient de son passé. Heureuse Autriche, en effet, d’avoir su trouver de nouveaux élémens de durée jusque dans les agitations où elle était menacée de périr ! Il y avait dans le sol du vieil empire, à côté de beaucoup d’élémens de discorde, d’autres élémens de cohésion plus forts, que M. de Metternich avait aperçus et dont ses successeurs devaient profiter, aux jours du péril. Tous les peuples de l’Autriche n’étaient pas hostiles au cabinet de Vienne ; quelques-uns au contraire lui demandaient son appui ; il a su les retenir attachés autour de lui, tout en maintenant très haut la tradition impériale, mesurant ses concessions au risque d’éprouver des -revers, mais triomphant à la fin des difficultés les plus menaçantes et reprenant au dehors comme au dedans toute la fierté qui convient aux puissances de premier ordre. Il serait curieux de rechercher l’histoire du cabinet de Vienne durant ces deux années si pleines d’événemens et de montrer combien il a dû dépenser d’activité et de prudence pour faire face au danger. Peut-être oserons-nous l’entreprendre, quand l’Autriche sera tout-à-fait sortie de la crise présente, et que ses actes ayant produit leurs conséquences pourront être jugés avec plus de précision.

En attendant, nous accueillerons toujours avec empressement les publications qui auront pour objet de les mettre en lumière, et dès à présent nous croyons devoir une mention spéciale à l’Esquisse semi-officielle de la guerre de Hongrie, tracée par un auteur anonyme dans l’Almanach militaire autrichien.

Il est impossible de ne point reconnaître le caractère calme, l’esprit d’équité et le ton impartial qui règnent dans ce récit. D’une part, l’auteur a traité quelques-uns des chefs ennemis avec générosité ; de l’autre, il n’a point dissimulé les fautes commises dans la première partie de la guerre par les généraux autrichiens. Tout en rendant justice aux qualités civiques du prince Windischgraetz, on est forcé de convenir que ses fautes ont compromis le succès de la première campagne. Ces qualités mêmes, qui sont celles d’un grand seigneur des temps passés, l’empêchaient d’être propre à commander dans une guerre civile, au milieu de tant d’intérêts et de passions à concilier. La mission donnée au prince Windischgraetz exigeait un esprit de transaction qui était incompatible avec ses antécédens et son caractère. C’est ainsi, par exemple, que, dès le commencement de la lutte, il s’est mis en désaccord avec l’homme qui était le plus capable de servir grandement la politique autrichienne en Hongrie, le ban Jellachich, dont la popularité était immense et servait à réunir autour de l’empereur toutes les populations slaves de l’empire. Le gouvernement autrichien a compris lui-même que le maréchal Windischgraetz, malgré d’autres mérites, n’était point l’homme de la situation.

L’écrivain militaire ne raconte point que le prince Windischgraetz joignit à ses torts celui d’entrer en négociation avec quelques-uns des chefs de l’aristocratie magyare auxquels il supposait du dévouement pour l’Autriche, par la