Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/954

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au commerce et à l’industrie. Est-ce à dire que nous croyons qu’il n’y aura plus d’émeutes, d’insurrections, de coups de main ? Non, en vérité ! mais le mouvement que ferait en ce moment le parti montagnard ne serait pas un mouvement spontané, ce serait un acquit de conscience, sans entrain, et pour beaucoup sans espoir. Ce que cherche maintenant le parti montagnard, le secret dont il est en quête, c’est une manifestation pacifique que le gouvernement veuille bien prendre pour telle, mais qui puisse, si l’occasion se présente, devenir un 24 février socialiste. Pour cela, il faudrait que le gouvernement et le général Changarnier voulussent bien accepter dans cette manifestation pacifique le rôle de Géronte et de Cassandre que la montagne leur donnerait.

Nous lisions dernièrement dans un journal le programme suivant de cette manifestation pacifique :

S’il arrivait que le lendemain du jour où la loi royaliste aura été votée,

« Le général Cavaignac, l’ancien chef du pouvoir exécutif ;

« Le colonel Charras, un ancien ministre de la guerre ;

« Le citoyen Dufaure, l’ancien ministre de l’intérieur ;

« Le citoyen Crémieux, l’ancien garde-des-sceaux ;

« Le citoyen Carnot, l’ancien ministre de l’instruction publique ;

« Le citoyen Armand Marrast, l’ancien président de la constituante ;

« Les généraux Lamoricière, Rey, Subervie, Valentin, représentans de l’armée ;

« Quatre-vingt-six représentans, au nom de leurs départemens respectifs ;

«  : Les anciens membres de la constituante actuellement à Paris, représentant la constitution qu’ils ont élaborée, discutée, votée et promulguée ;

« Les rédacteurs en chef des journaux que ne soutient pas M. Carlier, représentant la presse indépendante,

« Se présentent pour la défense de la constitution républicaine en vertu de l’article 110 ;

« S’il arrivait, disons-nous, que cette manifestation possible, légale, constitutionnelle, essentiellement logique et démocratique, se dirigeât vers le président pour lui faire comprendre qu’élu de six millions de citoyens, il ne peut pas, il ne doit pas laisser déclarer par ses ministres qu’il a été nommé par trois ou quatre millions d’indignes ;

« Que résulterait-il ?

« Il résulterait que la loi, même votée, pourrait ne pas être promulguée ;

« Que les burgraves en seraient pour la honte de leur collaboration à une œuvre révolutionnaire, incompatible avec le sentiment général de la population ;

« Qu’une fois de plus le peuple aurait fait preuve de sa résolution pacifique, appuyée par l’énergie de sa volonté, etc… »

Que dirait donc au président de la république cette procession pacifique que ne lui aient dit déjà, sous mille formes différentes, et la tribune et la presse de nos adversaires ? Le général Cavaignac a parlé ; le général Lamoricière a parlé ; M. Valentin, qui n’est point général, s’il n’a pas parlé, a interrompu peut-être ; M. Dufaure n’a certes donné le droit à personne de le faire figurer dans le pèlerinage proposé ; enfin, les journaux démagogiques ne se sont pas fait faute d’écrire. Qu’apprendrait donc au président la procession pacifique ? Rien de nouveau